Les chinois en Mauritanie : Quoi après l’informel ?

Les commerces de Nouakchott foisonnent de tous les produits. Mais ceux venant de Chine et de Taïwan dominent aujourd’hui. Ils sont les plus décriés. Mais ils ont fini par s’imposer dans le commerce de l’informel à tout coin de rue à Nouakchott.

 Mais ce petit commerce, n’est-t-il que la face visible de l’iceberg des grandes intentions chinoises à l’égard de la Mauritanie ?

Marché de la capitale, il est 10 heures ce dimanche 6 juin 2010. Toutes les rues avoisinantes le grand, vieux et premier « Souks » de la ville, sont saturées de marchands en tout genre. Ici, dès les premières heures de la journée, des centaines de petits commerçants et de vendeurs à la sauvette s’emparent des trottoirs et du moindre espace pour exposer leurs marchandises. De sorte que certaines ruelles finissent parfois même par être fermées à la circulation pour permettre une fluidité du trafic automobile dans la zone. Inutile de dire que, dans ce pays où le taux de chômage est en constante hausse (35 % de la population active selon les statistiques officielles), tout le monde s’improvise marchand. Dans ce bazar à ciel ouvert, on trouve évidemment de tout (chaussures, ustensiles de cuisine en plastiques ou en aluminium, montres, piles électroniques, chargeurs électriques, radio cassettes, lecteurs de cassettes de tous calibres, bijoux etc). Toute cette camelote est proposée à des prix défiant toute concurrence par les vendeurs à la sauvette qui écument le marché.
Pour autant, peut-on parler de séisme économique au détriment des grands opérateurs économiques de la place qui avaient l’habitude d’importer leurs produits de grande qualité d’Europe ? La réponse serait affirmative car, selon eux, depuis l’intrusion des produits made in China et in Taïwan dans le pays, les affaires sont moins bonnes et la concurrence rude. Que ce soit dans le prêt-à-porter, l’électroménager ou les pièces détachées, les vendeurs de cette camelote chinoise seraient à l’origine de ce séisme économique à Nouakchott. Ahmed Salem et son frère tiennent une boutique de pièces détachées au Ksar, non loin de la gare routière. Amer, le commerçant lance : « là où ils installent leur « Wagaav » mauritaniens généralement, les prix sont cassés sans états d’âme, mettant ainsi leurs concurrents mauritaniens dans l’obligation de changer d’activité ou de mettre la clé sous la porte. A l’en croire, il n’est presque plus possible de continuer à travailler dans ces conditions. Non seulement, déplore t-il, tous les magasins de pièces détachées environnantes vendent de la camelote chinoise, mais ils commencent maintenant à leur souffler leurs clients. Et de s’interroger par la suite : « Comment voulez-vous alors concurrencer leurs produits contrefaits à deux sous ? Tout le monde sait que leurs articles sont de mauvaise qualité, mais le paradoxe c’est que tout le monde les achète !», fulmine t-il.

La Chine n’a pas tout dit de ses intentions
Ce petit commerce de rue qui commence à agacer les commerces de produit de grande qualité, n’est que la partie visible de l’iceberg des intentions chinoises en Mauritanie et dans le continent noir en général. A Nouakchott, partout dans les rues de la capitale, il n’est pas rare de voir des chinois et chinoises entretenant des commerces. Ils sont dans la réparation des portables et d’autres petits gadgets luxueux, la vente de thé, de produits cosmétiques et même des médicaments. En fait en Mauritanie, ils commencent peu à peu à s’installer, créant du coup un vent de panique parmi les grands opérateurs du BTP et les concessionnaires spécialisés dans la vente de voitures américaines et européennes. Mais, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays du continent, les entreprises chinoises ne sont pas encore en position de monopole chez nous. Il n’empêche que la remarque ne veut pas dire que Pékin n’a pas d’ambition en Mauritanie. Et pour cause, le chef du gouvernement chinois, M. Wen Jiabao, n’avait pas manqué de révéler le 8 novembre 2009, lors du 4e forum sino-africain à Charm El Cheikh en Egypte, la feuille de route de la coopération entre Pékin et le continent, qui court jusqu’en 2012. Il promettait d’accorder 10 milliards de dollars de prêts aux africains au cours des trois prochaines années. Par cette promesse, la Chine démontrait une nouvelle fois l’importance économique et stratégique du continent à ses yeux. Outre le déblocage de prêts à des conditions avantageuses, Pékin a promis d’ouvrir le marché chinois à davantage de produits africains, de baisser les droits de douane et d’aider l’Afrique à faire face aux difficultés provoquées par le changement climatique. La dette de certains pays africains les plus pauvres sera aussi annulée. Actuellement, il y a plus de 900 entreprises chinoises implantées en Afrique. Ainsi, pour ce qui concerne la Mauritanie, il n’est pas faux de dire que les Chinois ne sont encore qu’au stade de la prospection. Les principaux leviers de l’économie sont détenus encore par des sociétés européennes, en particulier françaises, et par de richissimes hommes d’affaires mauritaniens.
Moussa Diop

Source : www.quotidien-nouakchott.com  le 07/06/2010

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