Paysage politique national : L’interminable jeu de recomposition et de décomposition

Le paysage politique national ressemble à m’y méprendre à une jungle.

 

Autorisation à profusion de partis politiques, éclatements de partis, transhumances interminables, fusions et coalitions. Tout a été mis en pratique sans pour autant donner une visibilité à la scène.

 Le brouillard est plus que jamais épais. La visibilité et la lisibilité sont presque nulles. Tant l’interminable jeu de recomposition et de décomposition semble s’installer durablement, sans donner des signes d’essoufflement.

Lorsqu’en 1986, l’ex président Maaouya ould Sid’Ahmed Taya décida d’organiser des élections municipales, il prit soins de contrôler tout le processus. Ainsi, les notables et chefs tribaux ont été appelés à occuper la scène. L’objectif était, à court terme, de les canaliser pour s’en servir dans d’autres circonstances. Le résultat était, qu’en ce temps, on avait vu les progressistes s’allier aux conservateurs. La trame idéologique qui devait sous-tendre l’action politique est reléguée aux oubliettes. Les élections étaient, finalement, réduites à une compétition pour des places. Les rares candidats, qui avaient cru à cette ouverture « démocratique » d’un genre très particulier, avaient mordu la poussière. Tout a été fait pour étouffer toute velléité d’émergence de forces politiques organisées et structurées et façonnées par l’exercice de la gestion municipale.

 Au commencement, le discours de La Baule

En 1991, à la  faveur du « discours de La Baule » prononcé par François Mitterrand, invitant les régimes autocratiques d’Afrique à la démocratisation, Ould Taya, confronté à une situation politique délétère, prit la décision de « démocratiser » son régime autoritaire. Une Constitution, taillée sur mesure, vit le jour, par voie référendaire. Des élections présidentielles furent décidées. Pris au dépourvu, les forces, qui se réclamèrent de l’opposition, se mirent à s’organiser. D’où l’émergence du Front Démocratique Uni des Forces du Changement (FDUC), dont les principaux initiateurs seront très vite embastillés et disséminés dans les différentes régions de l’intérieur du pays. Le premier parti reconnu, proche d’Ould Ttaya, sera le Rassemblement pour la Démocratie et l’Unité (RDU) d’Ahmed ould Sidi Baba. Le Parti Républicain Démocratique et Social (PRDS), une trouvaille, avance-t-on de Moustapha ould Abeiderrahmane, sera créé, pour être au service d’Ould Taya. L’opposition, après des nuits d’insomnie, suite aux interminables séances de négociation, transformera le FDUC en un parti politique, l’Union des Forces Démocratiques (UFD), à la tête duquel est placé Mohameden ould Babbah. Un parti fourre-tout. Moulaye ould Jiyid créera le Parti Mauritanien pour le Renouveau et la Construction (PMRC). Et Bâ Mamadou Alassane aura son Parti pour la Liberté, l’Egalité et la Justice (PLEJ).

Passées les élections présidentielles et législatives de 1992 remportées par Ould Taya, grâce à une formidable machine de fraudes, la scène politique se délita. La première secousse viendra de l’UFD. Ahmed Killy et Mohamed ould Amar défient le mot d’ordre de boycott des législatives et se présentent à Boutilimit, où ils perdront. Mais, ould Taya, en fin tacticien, leur octroiera des postes ministériels, en guise de récompense. C’est le commencement de la fin. Hamdi Ould Mouknass et Mohameden Ould Babbah suivront, peu après, pour créer l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP) qui connaîtra, elle aussi, la scission. Sidi ould Ahmed Deya ira rejoindre l’UDP, avant de rompre encore les amarres pour aller au Prds. Peu à peu, l’UFD se vide de ses sensibilités. Direction, le Prds. Talia’a sera la première formation politique du pays à être dissoute. Les mouvements El Hor, le Rassemblement pour l’Egalité et la Justice (REJ) et le Rassemblement pour l’Egalité et l Démocratie (RED) se démarquent de l’UFD, et mettent sur pied un parti, Action pour le Changement (AC), dissous par le régime d’Ould Taya. Avant d’en arriver là, des négro-africains, qui s’estimaient lésés, sous la conduite de l’unique député de l’opposition, à l’époque, Kébé Abdoulaye, porteront sur les fonts baptismaux un parti, l’Alliance pour la Justice et la Démocratie (AJD) qui ne sera guère à l’abri des secousses. Une tentative de faire renaître l’AC sous une autre appellation échouera. Dépités, les dirigeants décident d’intégrer l’APP, le parti nassérien. Ibrahima Sarr rompit les amarres et rejoignit l’AJD, qu’il finira par diriger, sous la nouvelle appellation de l’AJD/MR. Le Mouvement National Démocratique (MND), dernière sensibilité au sein du « géant » en décomposition, l’UFD, claque la porte, après une rude bataille de légitimité, et lance une formation politique, l’Union des Forces de Progrès (UFP), sous le leadership de Mohamed ould Maouloud. Il ne restera plus, au sein de l’ancêtre, que les proches d’Ould Daddah et Diop Mamadou Amadou qui, lui aussi, succombera à l’appel du ventre, en ralliant le Prds. La dissolution mit fin à la saga UFD. Le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) sera créé sur ses ruines. Les mêmes causes créeront les mêmes effets. Le parcours de ce parti sera aussi chaotique. La lassitude d’être d’éternels opposants et l’appétit du pouvoir feront que de nombreux cadres iront grossir les rangs du Prds. Le PMRC sera, lui aussi, l’objet d’une âpre dispute entre Moulaye ould Jiyid et Mamouni ould Mokhtar M’Bareck. Le RDU, un moment entré en rébellion contre son puissant allié, le Prds, verra certains de ses cadres retourner leurs boubous. Ne pouvant plus tenir, il rentrera dans les rangs, moyennant une place au soleil pour son président. La suite est l’encouragement par le pouvoir de la prolifération de partis politiques, à tel point qu’il n’est plus, aujourd’hui, possible de savoir qui représente quoi. Beaucoup de ces formations seront créées pour suivre seulement la direction du bon vent, le pouvoir, pour des raisons alimentaires.

 Sidi Mohamed ould Cheikh Abdellah, otage d’Adil

Le coup d’Etat, qui renversa ould Taya, était perçu comme l’occasion idoine de clarifier la scène politique. Malheureusement, les militaires, toujours grisés par les délices du pouvoir, n’étaient prêts à lâcher du lest. Ils organiseront un autre émiettement de cette classe politique. Le Parti Républicain Démocratique et Social (Prds), tout puissant, sera laminé par le CMJD, après le départ en exil de son Chef renversé. Certains de zélés animateurs iront même grossir les rangs de l’opposition. Moustapha ould Abeiderrahmane se lance à travers le Renouveau Démocratique (RD). Le Parti Républicain Démocratique et Social change de nom pour s’appeler Parti Républicain Démocratique pour le Renouveau (Prdr). Mohamed Yehdih ould Mokhtar El Hacen joue avec « Alternative ». Le phénomène des Indépendants, brouille les cartes. Ely ould Mohamed Vall, président du CMJD, n’aura de cesse de traiter les partis d’opposition traditionnelle de « fossiles ». Le ton est donné. Les Indépendants auront leur mouvance qui raflera la majorité des sièges parlementaires. La confusion s’installe. L’élection présidentielle suivante se soldera par la victoire, dans la douleur, du candidat soutenu par le CMJD et les Indépendants. Le Parti National pour la Démocratie et le Développement « Tewassoul », en quête d’existence, sera reconnu par le nouveau pouvoir civil. Saleh ould Hanena, l’homme de juin 2003, formera le Parti mauritanien de l’Union et du Changement (PMUC).Et le Pacte National pour la Démocratie et le Développement « Adil » sera créé pour, dit-on, servir de levier dans l’exécution du programme du président Sidi Mohamed ould Cheikh Abdellah. Mais, très vite, cette formation ne verra que les effets bénéfiques de sa main mise sur l’ensemble des pouvoirs. Ould Cheikh Abdellahi en sera l’otage, malgré lui. C’est l’instabilité gouvernementale. Puis la fronde des parlementaires de la majorité, à l’instigation de certains militaires de haut rang. Et, enfin, la chute du président élu. Louleid ould Weddad, ancien puissant Dircab d’ould Taya, lancera le Rassemblement Démocratique du Peuple Mauritanien (RDPM).

Retour à la case départ. Le Général Mohamed ould Abdel Aziz, limogé, avec certains Chefs des corps d’armée, fera un coup d’Etat, le 6 août 2008. Le Haut Conseil d’Etat s’occupera de la gestion du pays. C’est le début d’un long bras de fer entre putschistes et légalistes. Qui se termine à la faveur des premiers. Le RFD, par l’incohérence de ses positions, payera le plus lourd tribut. Il perdra de nombreux élus, cadres et militants. C’est le débauchage systématique pratiqué par le nouveau pouvoir. L’APP et Adil connaîtront, par la suite, un sort identique au RFD. L’Ufp résistera mieux, du fait de la consistance des convictions de ses élus et cadres. Paradoxalement, le Prdr, pourtant allié du pouvoir, verra ses élus et cadres le quitter. Toutes ces transhumances ont une seule direction, l’Union pour la République (Upr) de Mohamed ould Abdel Aziz, dont la création est concomitante à la présidentielle. Les ralliements iront en s’amplifiant.  L’UCD perdra son unique député au profit du … Prdr. Dès lors que Mohamed ould Abdel Aziz a évoqué le « rajeunissement » et la « recomposition » de la scène politique, c’est la ruée vers l’Upr, car dans l’esprit de certains, les jours de l’opposition traditionnelle sont comptés. Mais la configuration actuelle semble démentir ce pronostic. Au contraire, le champ de l’opposition s’élargit. Le parti présidentiel, l’Upr, ne serait, pour de nombreux citoyens qu’un « géant » au pied d’argile. L’avènement d’une nouvelle formation politique, le Parti des Forces Alternatives pour la Démocratie et la Liberté (PFADL), une création des soutiens d’Ely ould Mohamed Vall, qui inscrit son action dans l’opposition au pouvoir actuel, et la fusion, entre « Alternative, RDPM, le groupes de Boidiel ould Houmeid, en rupture avec le PNDD, et celui Lemrabott ould Bennahi, en un seul pôle politique dénommé « El Wiam », (Entente), présidé par ould Houmeid, l’éléphant de Keur Macène, ancré dans l’opposition, prouvent que la classe politique nationale n’a pas encore fini avec son cheminement mouvementé. D’autant que les derniers soubresauts qu’a connus « Adil » n’ont pas révélé tous leurs secrets, c’est-à-dire, leurs tenants et aboutissants.

 

IMA

Source  :  www.gps.mr  le 24/05/2010

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