«Tout le monde a fui» : à Paris, les coiffeurs afro désormais obligés de fermer à 20 heures se désolent d’avoir «beaucoup perdu»

Depuis décembre 2024, un arrêté de la préfecture de police, reconduit au moins jusqu’au 30 novembre, impose aux boutiques du quartier de Château d’Eau de nouveaux horaires en considérant que les fermetures trop tardives «génèrent de nombreuses nuisances».

Depuis décembre, les commerces de Château d’Eau, effervescent quartier du nord de Paris, sont contraints de fermer à 20h pour éviter les nuisances, sonores notamment. Une décision lourde de conséquences pour les coiffeurs afro, qui se désolent d’avoir «beaucoup perdu». Dense et cosmopolite, ce quartier du Xe arrondissement est réputé pour ses nombreux salons de beauté fréquentés par la diaspora africaine et caribéenne. Les petites échoppes en rang d’oignon se font concurrence à coups de vitrines aguicheuses, remplies de produits cosmétiques colorés et de longues perruques. Dans ces instituts, des dizaines d’employées s’activent autour de la tête de leurs clientes pour peigner, tresser, ajouter des mèches ou lisser. Un art minutieux qui requiert plusieurs heures de travail.

Pour caser dans son emploi du temps ces rendez-vous chronophages, Mélissa, une habituée du quartier, a pris l’habitude de venir en fin d’après-midi. «Je finis à 17h. Le temps d’arriver à Château d’Eau, il doit être 18h, 18h20…», estime la femme de 26 ans à la sortie d’un salon où elle a opté pour des tresses plaquées et de longues extensions relevées en queue-de-cheval. Étant donné le temps nécessaire à la coiffure, la fermeture à 20h «n’est pas très pratique», soupire cette employée dans le secteur de l’aide à domicile.

Depuis décembre 2024, un arrêté de la préfecture de police, reconduit au moins jusqu’au 30 novembre, impose aux boutiques de Château d’Eau de nouveaux horaires en considérant que les fermetures trop tardives «génèrent de nombreuses nuisances». Comme Mélissa, des clients mécontents peuvent être tentés de se tourner vers d’autres salons de la capitale ou d’opter pour des coiffeuses à domicile. «On n’a plus de clients, tout le monde a fui», affirme Salimatou, employée depuis 15 ans à «Emmy Joy», lieu de tournage de la comédie «La vie de château» (2017). «Il y a énormément de baisse du chiffre d’affaires. On n’arrive même plus à payer nos loyers», se lamente la coiffeuse, affairée à tresser de longues mèches rouges au milieu des élégantes boiseries qui ornent les murs du salon.

«Stratégie d’étouffement»

L’activité nocturne dans le quartier engendrerait une «occupation abusive du domaine public en raison de regroupement de personnes, parfois alcoolisées» et une «recrudescence d’actes délictueux», selon l’arrêté de la préfecture de police signé en mai. Habitante du boulevard de Strasbourg – l’artère principale du quartier – depuis plus de 20 ans, Delphine Martin se dit exaspérée par «la musique, les cris, les éclats de voix» dans sa rue, et par «les nuisances olfactives qui viennent des produits toxiques» utilisés par les salons de beauté. «Les trottoirs et les parkings deux-roues sont transformés en salle d’attente», râle celle qui préside une association de riverains. «On ne peut pas ouvrir nos fenêtres l’été», poursuit-elle en se montrant très favorable à l’arrêté préfectoral, «grand progrès».

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