«En matière de droits d’auteur et de propriété intellectuelle, le statut d’influenceur soulève de nombreuses atteintes»

Si l’on s’en tient rigoureusement au droit positif et aux principes fondamentaux consacrés par les droits de l’Homme, notamment en matière de liberté d’expression, de droit à l’information, de protection des mineurs, de respect du mérite, de propriété intellectuelle et de justice fiscale, le statut « d’influenceur », tel qu’il est aujourd’hui reconnu de facto, apparaît problématique et mériterait une régulation beaucoup plus stricte, voire une remise en question quant à sa légitimité.

En effet, les contenus diffusés par les influenceurs échappent bien souvent aux obligations déontologiques qui s’imposent aux autres acteurs de l’espace public, tels que les journalistes, les enseignants ou les chercheurs. Cela conduit à une diffusion massive d’informations biaisées, non vérifiées, voire contraires aux droits fondamentaux, sans cadre juridique adéquat pour en limiter les effets. Cette liberté d’expression, lorsqu’elle se mue en outil de manipulation ou de désinformation, entre alors en conflit avec d’autres droits fondamentaux tels que le droit à une information loyale et équilibrée, la protection de la jeunesse ou encore la préservation de l’intégrité intellectuelle.

Par ailleurs, l’influence en ligne constitue un vecteur d’idéologies et de normes sociales non validées par un processus démocratique ou scientifique, et qui s’imposent parfois comme référents dans l’espace public, sans légitimité intellectuelle ou institutionnelle. Ce phénomène peut s’avérer particulièrement nuisible lorsqu’il cible des publics vulnérables, notamment les mineurs, en l’absence de tout filtre éducatif ou de contrôle parental efficace.

En matière de droits d’auteur et de propriété intellectuelle, le statut d’influenceur soulève également de nombreuses atteintes, les contenus étant souvent réutilisés ou remixés sans respect des titulaires de droits. À cela s’ajoute un contournement potentiel des règles fiscales et sociales applicables aux professions traditionnelles, entraînant des inégalités de traitement injustifiables au regard du principe d’égalité devant les charges publiques.

Enfin, l’économie de l’influence tend à saper le principe du mérite, en valorisant la popularité au détriment de la compétence, de la rigueur ou de l’effort, ce qui est de nature à éroder les fondements d’une société équitable et méritocratique.

Pour toutes ces raisons, il apparaît que le statut d’influenceur, dans sa configuration actuelle, pose davantage de problèmes qu’il n’apporte de bénéfices sociaux. Une régulation stricte, fondée sur les exigences du droit positif et des principes fondamentaux de justice, s’impose dès lors de manière urgente afin d’encadrer cette activité et de prévenir les dérives systémiques qu’elle engendre.

 

 

Aissata Ahmedou Tidjane Bal

Juriste en droit public

Spécialiste en matière de lutte contre le crime organisé.

 

 

 

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