
«S’il est écrit que je dois mourir
Il vous appartiendra de vivre
Pour raconter mon histoire…»
Le 6 décembre 2023, ces ultimes vers partagés un mois plus tôt par Refaat Alareer en anglais et en arabe se sont transformés en sinistre prémonition. Ce jour-là, ce poète, écrivain et enseignant palestinien, professeur de littérature anglaise à l’université islamique de Gaza, était tué dans un bombardement israélien qui a touché son habitation.
Dès lors, les dernières lignes rédigées par Refaat Alareer circulent sur internet et les réseaux sociaux dans différentes langues. Elles sont aussi reproduites sur des murs, des t-shirts et des pancartes lors de manifestations. Un an après la mort de Refaat Alareer, un livre posthume est paru début décembre 2024 et reprend certains de ses écrits, sous le titre If I Must Die. Devenu un symbole, le dernier poème de l’auteur palestinien a également été mis en musique par plusieurs chanteuses et chanteurs à travers le monde, comme le rappeur français HK.
Mais Refaat Alareer n’est pas le seul poète palestinien à avoir perdu la vie dans les combats qui opposent Israël au Hamas dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Quelques jours avant lui, le 2 décembre 2023, le jeune poète gazaoui Noor Aldeen Hajjaj mourait aussi sous les bombes, dans le quartier de Shuja’iyya, dans l’est de la ville de Gaza. Le 20 octobre 2023, c’est Hiba Abu Nada (32 ans), romancière et poétesse palestinienne, qui était victime d’un bombardement israélien à Khan Younès, dans le sud de l’enclave.
Quelques jours avant son décès, celle-ci postait sur Facebook un poème sur la montée au paradis des Gazaouis:
«Là-haut, en ce moment
Nous bâtissons une autre cité.
Avec des médecins sans blessés et sans saignements
Des enseignants sans classes surchargées et sans cris sur les enfants
Des familles sans souffrance et sans peine
Des journalistes qui décrivent l’Éden
Des poètes qui écrivent les amours éternelles
Ils sont tous de Gaza, tous.
Au paradis, il y a une Gaza nouvelle, sans blocus
Qui prend forme en ce moment même.»
Depuis le déclenchement des opérations israéliennes qui visent la bande de Gaza, en octobre 2023, la poésie occupe une place importante dans les discours dénonçant le sort de la population gazaouie. Sur place, des activistes s’organisent avec leurs maigres moyens pour s’assurer que le monde reçoive les voix des poètes palestiniens. C’est le cas de la Gaza Poets Society qui publie régulièrement des poésies en anglais sur les réseaux sociaux.
À l’international, des éditeurs se pressent pour diffuser les auteurs gazaouis. Des revues de littérature arabe, à l’instar d’ArabLit, ont publié des numéros spéciaux dédié à la poésie palestinienne et notamment celle issue de la bande de Gaza. En France, les éditions Libertalia et Points ont chacune publié une anthologie de poésie contemporaine gazaouie, respectivement en octobre 2024 (Que ma mort apporte l’espoir – Poèmes de Gaza) et en avril 2025 (Y a-t-il une vie avant la mort? – Anthologie de la poésie gazaouie d’aujourd’hui).
Mosab Abu Toha, jeune (32 ans) poète plusieurs fois primé, a publié en 2024 son deuxième recueil en anglais aux États-Unis, où il est exilé. La même année, son premier ouvrage, Ce que vous trouverez caché dans mon oreille, est paru en français chez Julliard. Le trentenaire palestinien connaît un fort succès depuis, avec ses textes mêlant onirisme, satire, avions de chasse et récit documentaire.
«La poésie des Gazaouis se démarque par une langue minimaliste, à l’image du dénuement de la population, indique Nada Yafi, ancienne diplomate et traductrice de l’anthologie parue chez Libertalia. Depuis 2023, le style se fait souvent direct. Plusieurs poèmes ont une valeur quasi journalistique.»
Émile Vaizand
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