La victoire de la Mauritanie ? Vraiment ?

On nous le répète à longueur de discours : l’élection de Sidi Ould Tah à la tête de la BAD serait “la victoire de la Mauritanie”. Il paraît même – tenez-vous bien – que cette victoire diplomatique devrait nous inspirer à « renforcer la cohésion sociale » et à « offrir le minimum vital à nos citoyens ». Rien que ça ! On nous vend un miracle africain en kit, livré par la Banque, assemblé par Nouakchott, et approuvé par l’Union africaine.

Mais soyons sérieux deux minutes.

Depuis quand nommer un cadre à un poste prestigieux a permis à un peuple de boire de l’eau potable, d’avoir une école digne de ce nom ou de se faire soigner ailleurs qu’à l’ombre d’un manguier ?

Depuis quand une “victoire” de la diplomatie mauritanienne a mis fin à l’humiliation quotidienne des citoyens invisibles que sont les négro-mauritaniens, les haratines ou les langues nationales réduites au silence ?

Soyons clairs : la Mauritanie ne manque pas de cadres, elle déborde même de diplômés zélés, de haut fonctionnaires multilingues et de patriotes de plateau télé. Ce qui lui manque, cruellement, désespérément, c’est un projet collectif qui inclut tout le monde, sans distinction de couleur, de caste ou d’origine.

Mais non, il semble que nous ayons d’autres priorités :

Accrocher un CV doré à la vitrine du régime, exhiber un compatriote bien peigné dans les couloirs feutrés de la finance africaine, et surtout, répéter en boucle que “la Mauritanie a gagné” — pendant que le peuple, lui, continue de perdre. Perdre du temps, perdre des droits, perdre sa foi dans une république équitable.

Car la Mauritanie est malade, profondément malade.

Pas d’un virus, ni même de la pauvreté qu’elle connaît si bien. Non. Elle est malade de son chauvinisme, de ce réflexe tribal qui fait qu’on se mobilise non pas pour la compétence ou la justice, mais parce que “c’est l’un des nôtres”. Elle est malade d’un pseudo-patriotisme qui ne s’enflamme que lorsqu’il faut défendre un fauteuil à Abidjan, mais reste muet face aux bidonvilles de Nouakchott, aux villages sans électricité, et aux enfants sans avenir.

Alors non, ce n’est pas la victoire de la Mauritanie.

C’est la victoire d’une Mauritanie bien précise : celle qui sait mobiliser ses réseaux, qui maîtrise l’art du réseautage panafricain, et qui vit très loin des préoccupations du petit peuple.

Et pendant que certains crient à la fierté nationale, d’autres – beaucoup plus nombreux – continuent de parler aux murs, d’attendre leur tour, ou tout simplement… de se taire pour survivre.

 

 

 

SY Mamadou

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 30 mai 2025)

 

 

 

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