
En Mauritanie, la boussole morale du pouvoir ne connaît qu’un seul nord : celui de l’indignation sélective. Quand il s’agit de Gaza, la mobilisation est soudainement sacrée. Le drapeau palestinien flotte à tous les coins de rue, les manifestations sont autorisées – mieux, encouragées – et les discours officiels rivalisent d’émotion. C’est qu’il est toujours plus commode, et politiquement rentable, de verser une larme sur les morts lointains, surtout quand cela permet de faire oublier ceux que l’on tait plus près de chez soi.
Mais dès qu’il s’agit du Sahel, de ces civils peuls massacrés au nom de la “lutte contre le terrorisme”, le système se raidit, se ferme et réprime. Un sit-in contre le génocide en cours ? Interdit. Matraqué. Étouffé. Le silence est alors d’État. La souffrance des autres est un outil politique ; celle des Peuls, un sujet tabou.
Depuis 1989, l’ennemi intérieur est désigné : c’est le Peul. L’élément perturbateur. L’intrus que l’on accuse de tous les maux sans jamais lui donner voix. Ni mémoire. Ni justice. Ni reconnaissance. Une menace invisible mais toujours utile : pour détourner l’attention, pour justifier les exclusions, pour fabriquer l’“unité nationale” sur le dos des exclus.
Le système mauritanien pratique un apartheid émotionnel : l’empathie est ethno-sélective, calibrée selon les intérêts du moment. On pleure Gaza à la tribune, mais on piétine les manifestants du Sahel dans les ruelles de Nouakchott. Voilà l’indignation calibrée à la mauritanienne : celle qui permet de se donner bonne conscience à l’international, tout en verrouillant la réalité à l’intérieur.
SY Mamadou
(Reçu à Kassataya.com le 25 mai 2025)
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