Guerre à Gaza : les alliés d’Israël face au risque de la complicité

La répugnance des Etats occidentaux à prendre des mesures concrètes contre l’Etat hébreu, en dépit de l’ordonnance de la Cour internationale de justice reconnaissant le risque de génocide à Gaza, les expose à des poursuites pour manquement à leurs obligations Internationales.

Le Monde  – L’Union européenne (UE) « mise en demeure » pour « manquement » à son « obligation d’agir face au risque avéré de génocide à Gaza ». Dans deux courriers datés du 12 mai, adressés à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et au président du Conseil de l’Union, Bart de Wever, l’association JURDI (juristes pour le respect du droit international), demande des actes, faute de quoi elle saisira la Cour européenne de justice, au Luxembourg, « pour carence fautive de la Commission en matière de respect de ses obligations découlant du droit international et du droit de l’Union ».

L’association française, qui rassemble des experts en droit international, demande à l’UE de dénoncer publiquement les crimes en cours, de revoir totalement son cadre de relations avec Israël et de prendre des sanctions contre les responsables israéliens, dont Benyamin Netanyahou, et les ministres Bezalel Smotrich et Israël Kaatz. « C’est un cri d’alerte », explique Johann Soufi, cofondateur de JURDI, qui consiste à « mettre en garde les démocraties occidentales et l’Union européenne, car elles sont en train de sacrifier à Gaza les fondations morales sur lesquelles le projet repose. L’Union européenne est avant tout une union de valeurs », et si « elles sont à géométrie variable ou vide de sens, alors on détruit l’UE ».

Face à l’horreur des événements dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, les organisations humanitaires, les défenseurs des droits humains, avocats, professeurs, intellectuels, artistes, et responsables des Nations unies, demandent aux Etats d’agir et de ne pas se rendre complices des crimes en cours. « J’ai visité ce qu’il reste du système médical de Gaza et je peux vous dire que la mort à cette échelle a une odeur et des bruits qui ne vous quittent pas », a déclaré le responsable des affaires humanitaires de l’ONU, Tom Fletcher, devant le Conseil de sécurité le 12 mai, avant d’interpeller les diplomates : « De quelles preuves avez-vous besoin ? Allez-vous agir, maintenant, de façon décisive pour prévenir le génocide et assurer le respect du droit international humanitaire ? » Le fonctionnaire a évoqué les tentatives de peser, en privé sur les responsables israéliens, sans effet selon lui, avant de suggérer : « Si tout cela vous importe encore, ne soyez pas complices. »

Tout est écrit, précis, assumé

Les récentes condamnations verbales des Occidentaux n’ont pas entamé la détermination d’Israël à mettre en œuvre son « plan de conquête » de la bande de Gaza annoncé le 5 mai. Il prévoit d’achever la destruction de l’enclave, d’entasser la population au sud puis de la déporter « vers des pays tiers ». « Nous ne nous cachons pas, a déclaré M. Nétanyahou, c’est bien notre plan ». Son ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a appelé de son côté à l’expulsion des Palestiniens de l’enclave, promettant que « Gaza sera nettoyée du Hamas et des centaines de milliers de Gazaouis seront en route pour d’autres pays ».

Tout est écrit, précis, assumé. Au mépris des trois ordonnances rendues contre Israël en février, mars et mai 2024 par la Cour internationale de Justice (CIJ), dans la procédure enclenchée par l’Afrique du Sud, accusant Israël de violer la convention sur le génocide. Dans ces premières ordonnances, les juges ont sommé l’Etat hébreu de ne pas commettre d’actes de génocide, de punir les auteurs d’incitations aux crimes, de ne pas soumettre les Palestiniens à la destruction, et de laisser passer l’aide humanitaire, aujourd’hui totalement bloquée.

Les juges avaient, en substance, déclaré que Gaza était au bord du génocide. C’était il y a quinze mois. En ratifiant la convention sur le génocide, les Etats « s’engagent à prévenir et à punir » selon l’article 1 du texte, en poursuivant les auteurs, « ou en saisissant les organes compétents de l’Organisation des Nations unies afin que ceux-ci prennent (…) les mesures qu’ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide ». C’est ce qu’a fait l’Afrique du Sud. En Europe, seuls l’Espagne et l’Irlande soutiennent la plainte de Prétoria. La France s’abstient. Interrogé sur TF1 le 13 mai, sur la question du génocide, Emmanuel Macron a renvoyé la question aux historiens, donnant l’impression de snober la procédure de la CIJ.

Avec ces procédures, les dirigeants occidentaux ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas, leur rappellent constamment leurs opinions publiques, les dizaines de rapports de l’ONU, d’ONG, d’experts, et les décisions de la Cour internationale de Justice. Or « la connaissance enclenche l’obligation d’agir », précise l’avocat Johann Soufi, qui regrette que certains s’interrogent encore sur « ce qu’il faudrait faire de plus pour Gaza ». « Un copier-coller ce que vous avez fait sur la Russie, répond Johann Soufi, il n’y a aucune différence. Et vous avez beaucoup plus de moyens d’action et de leviers sur Israël que sur la Russie ou l’Iran. » Au risque, sinon, de la complicité.

« Complicité institutionnelle »

« L’inaction est une forme de complicité, argumente Johann Soufi, et il n’y a aucun doute aujourd’hui que les États – et je ne parle pas de l’Allemagne qui continue à fournir armes et soutien politique à Israël en pleine connaissance des risques – mais des Etats dont la France, permettent une forme de complicité institutionnelle, en protégeant Israël de toutes sanctions internationales ». Après avoir interpellé l’Union européenne, JURDI a saisi, le 12 mai, l’assemblée des 125 Etats membres de la CPI pour dénoncer l’autorisation de survol accordée par la France à Benyamin Netanyahou, qui se rendait le 2 février 2025 à Washington, malgré le mandat d’arrêt de la CPI.

Lire la suite

 

 

 

 (La Haye, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page