Face à l’EI, la stratégie limitée de M. Obama

Un an après les premières frappes contre l'Etat islamique, les djihadistes ne reculent toujours pas.

Cet anniversaire est de ceux qui ne se célèbrent pas. Le 7  août  2014, le président Barack Obama annonçait la reprise des opérations militaires américaines en Irak pour bloquer l'avancée des djihadistes de l'Etat islamique (EI). Après avoir pris, à la surprise générale, le contrôle de la deuxième ville du pays, Mossoul, deux mois plus tôt, ces derniers, qualifiés d'" équipe B " d'Al-Qaida quelques mois auparavant par le président au détour d'un portrait publié par le New Yorker, menaçaient alors la capitale des provinces kurdes d'Irak, Erbil.

Improvisée, la contre-attaque aérienne américaine a bloqué les djihadistes. Un mois plus tard, la Maison Blanche a dévoilé sa stratégie pour " affaiblir et finalement vaincre " l'Etat islamique : mettre sur pied une coalition la plus large possible pour mutualiser cette guerre étendue à tous les territoires contrôlés par l'EI, en Irak comme en Syrie, limiter le rôle américain aux bombardements aériens et à l'encadrement de l'armée irakienne et de milices syriennes, inciter les autorités irakiennes majoritairement chiites à rompre avec un sectarisme qui avait facilité l'avancée de djihadistes sunnites.

Un an plus tard, la Maison Blanche déroule à intervalles réguliers ses statistiques pour attester de l'efficacité de cette stratégie. Le porte-parole de M. Obama, Josh Earnest, a ainsi indiqué le 31  juillet que les 5 800 frappes enregistrées jusqu'à présent avaient permis de reprendre, selon lui, 25  % des zones peuplées contrôlées à un instant donné par l'EI. Le Pentagone fait de même pour ce qui concerne les moyens mili-taires des djihadistes ou les -infrastructures pétrolières qui -contribuaient à leur santé financière ; il dénombrait au 29  juillet plus de 8 700 cibles touchées.

Sur le terrain, les victoires sur les djihadistes à Kobané, au nord de la Syrie, ou à Tikrit, en Irak, ont été effacées par les prises par ces derniers de Ramadi et de Palmyre, de part et d'autre de la frontière, qui sépare, en théorie, les deux pays dans lesquels ils sont implantés. Même si M. Obama a assuré le contraire dès le mois de septembre, le produit des efforts américains relève plus de l'endiguement que de la reconquête. La Maison Blanche le reconnaît à demi-mot lorsqu'elle se refuse à mentionner le moindre terme pour cette mission, ou bien lorsqu'elle répète que l'effort militaire sera long et ponctué " d'avancées et de revers ".

Moyens limités

Trois raisons principales, directement liées à la stratégie exposée en septembre, expliquent une situation que l'agence Associated Press, citant sous couvert d'anonymat des responsables de la CIA et de la Defense Intelligence Agency (DIA, Agence du renseignement de la défense), a décrite le 31  août comme un statu quo : les effectifs des djihadistes restent en effet stables (entre 20 000  et 30 000) malgré les frappes, et ce, grâce à l'afflux constant de combattants étrangers, à la capacité de l'EI à maintenir ses sources de -financement, notamment dans le pétrole, à son adaptation aux bombardements aériens.

La première explication réside dans les moyens limités alloués par le président des Etats-Unis. Les effectifs des militaires américains sur place restent modestes (un peu plus de 3 000 hommes, dont une partie protège les services diplomatiques à Bagdad et à Erbil). A l'exception de raids des forces spéciales, M.  Obama continue d'exclure l'envoi de forces combattantes, ces boots on the ground  que ses critiques, aux Etats-Unis, jugent indispensables pour enregistrer des succès durables, compte tenu de la déliquescence de l'armée régulière irakienne. La hantise de la perte de contrôle des opérations (le mission creep) hante un président élu en  2008 sur la promesse, réalisée trois ans plus tard, de retirer -toutes les forces militaires américaines d'Irak.

La coalition, imposante en apparence (une soixantaine de pays), mise sur pied par les Etats-Unis reste ensuite pénalisée par une série de divergences internes. Ces dernières peuvent porter sur les opérations militaires (certains pays, comme la France, refusant d'intervenir en Syrie) comme sur les objectifs de guerre. Les deux alliés régionaux primordiaux que sont l'Arabie saoudite et la Turquie considèrent notamment que l'éviction de Bachar Al-Assad est prioritaire parce que son maintien au pouvoir galvanise les djihadistes. Le gouvernement d'Ankara, qui s'est lancé tardivement dans les opérations contre l'EI, les a par ailleurs doublées de raids contre les Kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dont il redoute qu'ils sortent renforcés de leur lutte contre les djihadistes.

Le cas de Bachar Al-Assad illustre enfin la dernière faiblesse de la stratégie américaine : l'absence sur le terrain d'un partenaire fiable et efficace en première ligne face à l'EI. La Syrie en est l'exemple extrême puisque les Etats-Unis, qui refusent de se coordonner avec un président qu'ils jugent -dépourvu de toute légitimité après quatre ans d'une effroyable guerre civile, ne disposent d'aucun relais parmi les rebelles qui combattent l'armée régulière et qui sont désormais majo-ritairement affiliés à des groupes djihadistes.

Frustration

Mais la situation en Irak n'est pas moins frustrante. Washington a certes obtenu, une semaine après ses premiers bombardements, le 14  août  2014, le départ du premier ministre d'alors, Nouri Al-Maliki, dont il avait fait un préalable, et son remplacement par Haider Al-Abadi. Selon l'administration américaine, M.  Maliki était l'artisan des fractures confessionnelles entre chiites et sunnites. Mais le gouvernement irakien, qui s'en remet plus dans cette lutte contre l'EI aux milices chiites qu'à l'armée régulière, reste fragile. Autant de raisons qui expliquent que la lutte contre l'Etat islamique a toutes les chances d'être laissée en héritage à -celui, ou celle, qui succédera à -Barack Obama le 20  janvier  2017.

Gilles Paris

 

Source : Le Monde

 

 

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