SYRIE ou La chute du dernier faucon arabe : Lecture naïve des impacts et incidences en Mauritanie

La scène géopolitique du monde arabe vient d’assister à un tournant historique : la chute du dernier bastion du nationalisme arabe. Cette évolution marque la fin d’une époque révolutionnaire où l’idéologie nationaliste, incarnée par des figures telles que Gamal Abdel Nasser et les mouvements baathistes, a tenté de supplanter la religion comme ciment des sociétés arabes. En Syrie, ce furent Hafez El-Assad, puis son fils Bachar, qui incarnèrent cette lutte idéologique au sommet du pouvoir, souvent au prix de conflits sanglants et de répressions brutales, comme en Irak, où Saddam Hussein finit pendu sous les youyous de Karbala.

Avec la chute du régime syrien, perçu comme le dernier faucon du nationalisme arabe, c’est une revanche des courants islamistes que l’on observe. Ces derniers, longtemps marginalisés ou réprimés dans des contextes dominés par le Baath ou d’autres formes de nationalisme. Ce triomphe revêt un symbole fort : le discours des islamistes dans la mosquée des Omeyyades voient leur triomphe symbolique non seulement en Syrie, mais également dans une recomposition des équilibres régionaux et locaux loin de Damas et du cham. Même si, pour les Alaouites (chiites), cela rappelle tristement le califat de Muawiya, leur persécuteur, au nom des Sunnites.

Maaouya… Aux Mauritaniens, à l’autre bout du monde arabe, cela évoque un autre khalife qui persécuta, au nom de l’arabité, d’autres musulmans Noirs avant de voir ses partisans se retourner contre lui, fragilisant son régime en 2003. Il chuta en 2005 à la suite d’une révolution de palais et fut contraint à l’exil au Qatar. Un scénario similaire à celui de Bachar, Kadhafi et Ben Ali. La tempête du printemps des peuples Arabes est passée par là en déracinant Moubarak et El Bechir.

Réactions en Mauritanie : entre joie et désillusion

En Mauritanie, cette évolution a suscité des réactions diverses. Les réfugiés syriens, nombreux à avoir trouvé asile, mariage et même naturalisation dans ce pays, ont laissé éclater leur joie dans les rues de Nouakchott, voyant dans la chute du bastion nationaliste une victoire des forces opposées à ce qu’ils considèrent comme des décennies d’oppression et de répression exercées au nom de la doctrine de Michel (Aflaq) et du modèle Hafez (El-Assad).

À l’opposé, les disciples et compagnons de Mohamed Yehdih Ould Breideleil et d’APP, entre autres figures associées à une sensibilité panarabe, affichaient des mines déconfites. Ce contraste illustre à quel point les idéologies issues des luttes passées restent vivantes dans certains cercles, bien qu’elles aient perdu une grande partie de leur attrait. Comme ceux du MND (les Kadihines de gauche), qui furent vaciller entre 1969 et 1973 Ould Daddah et son régime, mais se meurent aujourd’hui à petit feu sous la bannière de l’UFP. D’autres à l’agonie, passent de mouvement de masse populaire à mouvance courtisane pour survivre entre jeux d’alliances, enjeux électoraux et ralliements de circonstance: RFD, SAWAB, HATEM. Ils fraternisent dans des jeux qui ne les honorent pas et ignorent la justice de Dieu et piétinent celle des hommes. Illusions perdues? Espoirs déçus? Réalisme? L’homme de la rue ne s’y trompe plus:  Ces idéologies brouillent les esprits, ruinent l’âme et ne remplissent pas l’estomac.

Le nasserisme, autrefois synonyme d’espoir pour l’unité arabe face à l’occident et le Baath, sont désormais des idéologies veuves d’un combat perdu contre le petit sioniste et le grand  Ayatollah. Avec la disparition du régime syrien tel que nous l’avons connu, ces mouvements perdent leur ancrage idéologique et systémique. Le « berceau » de leur vision du monde est tombé, laissant derrière lui un ouvrage inachevé et des affidés orphelins d’un rêve évanoui. Faites place ! Les petits d’hier dits monarchies du golfe dont le Qatar et les Emirats  brandissent chèques et contrats comme idéologie et diplomatie. En échange, des sourires serviles, courbettes obséquieuses et reconnaissance.

Damas se meurt, vive Dubaï ! Le Rais est mort, vive l’Emir !

Que reste-t-il de cette époque ?

La chute de ces régimes, dont l’identité reposait sur une sécularisation autoritaire, pose une question essentielle : que reste-t-il du rêve d’un monde arabe uni par une vision moderniste et émancipée de la religion ? Les événements récents confirment une tendance déjà amorcée ailleurs dans le monde : la religion, avec sa capacité à transcender les frontières et à mobiliser les consciences par la foi, semble reprendre le dessus sur des idéologies qui, malgré leurs engagements, ont échoué à tenir leurs promesses.

Finalement, cette situation rappelle une dynamique universelle : l’homme peut vouloir refaire le monde à son image, mais il est toujours rattrapé par le cours de l’histoire, souvent influencé dans cette partie du monde par ses croyances profondes, d’inspirations divines. Qui évoluent s’éclipsent mais ne s’effacent pas.  Il ne s’agit pas de refaire le monde. Cette terre d’Orient est le berceau des révélations prophétiques. Vouloir y consacrer un pouvoir fondé sur autre chose que Dieu et la foi est voué à l’échec, comme en témoignent les récits de défiance de Babel et sa tour ou de Sodome et sa débauche.

Une page se tourne

La chute du dernier faucon arabe marque la fin d’une ère non seulement en Syrie, mais aussi dans l’imaginaire collectif de nombreux pays, y compris la Mauritanie. Une page se tourne, mais elle ouvre sur une période incertaine, où l’équilibre entre religion et idéologie, peuple et  Nation reste à définir. Toutefois, l’humanité, au nom de l’existence, doit rester au centre des préoccupations et des pensées. Car c’est l’œuvre d’ ALLAH et relève de l’ordre Divin. Vouloir refaire le monde autrement, mène au désordre et chaos, pour le triomphe d’Ibliss.

Si l’histoire est cyclique, il reste à voir comment les nouvelles générations écriront les chapitres à venir dans un monde arabe en quête d’identité, de stabilité et de place aux côtés des autres « Beni Adama ». Et la Mauritanie, en tant que pays charnière et nation d’Islam, n’y échappe pas. Pourvu qu’un jour prochain, on scande dans nos rues, pour de bon :

 « قَدْ جَآءَ ٱلْحَقُّ وَزَهَقَ ٱلْبَاطِلُ ۚ إِنَّ ٱلْبَٰطِلَ كَانَ زَهُوقًا »

Apparemment, les promesses du 10 juillet 1978, diffusées sur Radio Mauritanie par le commandant Jiddou du CMRN, nous ont sortis de la guerre, mais pas de la galère. Entre-temps, espérons, comme disait el marhoum Habib Ould Mahfoud, que la Mauritanie reste au bord du gouffre, sans y basculer. Si cela devait arriver, ce serait le gouffre qu’il faudrait plaindre car, nous aurons à tout survécu. Même au déluge… de feu, des années de braise, 1986-1991 et 2003-2005, sur lesquelles soufflait un vent froid et sec venu du Jebal E-Cham. Là-bas, en Terre Sainte.

 

 

 

Sidi khalifa al SOUDANI

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 13 décembre 2024)

 

 

 

 

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