S’il démissionnait, Emmanuel Macron pourrait-il se présenter à sa propre succession?

Face à l'instabilité politique du pays, la question d'une démission du chef de l'État se pose à nouveau. De même que sa capacité à se représenter aussitôt à la présidence de la République.

Slate  – Le gouvernement Barnier va-t-il tomber ? Cette question, qui s’inscrit dans le contexte d’une instabilité politique pour le moins singulière, en dissimule une autre: le président Emmanuel Macron, qui a dissous l’Assemblée nationale en juin, pourrait-il démissionner ?

Si ce scénario demeure à l’heure actuelle encore très improbable, certaines formations politiques –notamment La France insoumise et le Rassemblement national– n’excluent pas la possibilité d’une présidentielle anticipée en cas d’une censure du gouvernement Barnier et de l’incapacité du président de la République à former un gouvernement capable de durer dans le temps.

L’hypothèse de la présidentielle anticipée suscite une autre interrogation: Emmanuel Macron pourrait-il se représenter sans attendre ? Si les avis divergent, les constitutionnalistes semblent néanmoins affirmer que le président ne pourrait pas être candidat à sa propre succession en cas de démission.

La posture originale de Jean-Jacques Urvoas

 

Le 27 novembre 2022, dans les colonnes du journal libéral L’Opinion, l’ancien ministre de la Justice –et professeur de droit public à l’Université de Brest– Jean-Jacques Urvoas se laisse aller à une affirmation pour le moins singulière: Emmanuel Macron pourrait, en cas de démission, se présenter à sa propre succession. Pour le juriste, «comme il n’aurait pas effectué deux mandats successifs complets, il pourrait être candidat».

L’analyse de l’ancien de garde des Sceaux, développée en longueur dans le Club des Juristes, s’appuie sur un avis consultatif du Conseil d’État relatif à la présidence de la Polynésie française: condamné dans une affaire d’emploi fictif, l’ancien président polynésien Gaston Flosse a été amené à quitter prématurément la présidence de la collectivité d’outre-mer. Son successeur, Édouard Fritch, a été élu une première fois pour un mandat de quatre ans, puis réélu pour un mandat de cinq ans.

L’article 74 du statut de la Polynésie française précisant que «le président de la Polynésie française ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans consécutifs», Édouard Fritch peut-il briguer un troisième mandat? Dans son avis, le Conseil d’État répond par l’affirmative, considérant que «la disposition s’entend comme limitant à deux mandats successifs de cinq ans complets l’exercice de la présidence de la Polynésie et qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat».

Quand bien même la question à laquelle a répondu le Conseil d’État ne concerne pas la Constitution, le professeur Urvoas évoque un manque de clarté de l’article 6 pour considérer «qu’un esprit facétieux pourrait donc soutenir que puisque la Constitution ne prescrit pas l’interdiction d’une troisième candidature, elle est donc possible». Une posture originale qui n’emporte pas l’adhésion de ses homologues.

«On n’y croit pas»

Spécialistes du legal-checking, les Surligneurs ne sont pas sur la même ligne que Jean-Jacques Urvoas. D’une part, parce que l’avis du Conseil d’État est difficilement transposable à la question de la limitation des mandats du chef de l’État. Et d’autre part, parce que la disposition constitutionnelle dont il est question n’est pas rédigée de la même manière que l’article 74 du statut de la Polynésie française.

Certes, comme l’affirme Urvoas, l’article 6 de la Constitution de 1958 est sans doute moins bien rédigé que le vingt-deuxième amendement de la Constitution des États-Unis (dont il s’inspire), lequel dispose que «nul ne pourra être élu à la présidence plus de deux fois». Cependant, à la différence de la Polynésie, l’article 6 ne précise aucune durée de mandat, précisant simplement que «nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs». S’il est vrai que le président de la République reçoit un mandat de cinq ans, l’article 6 se limite à la mention de l’exercice de ce mandat, lequel commence lors de la passation des pouvoirs ou «mécaniquement» en cas de réélection, nous dit sur son site le Conseil constitutionnel.

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Sébastien Natroll – Édité par Louis Pillot

 

 

 

 

Source : Slate (France) – Le 02 décembre 2024

 

 

 

 

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