LANGUE, CULTURE ET DÉVELOPEMENT : RÉPONSE AU DOYEN SAMBA DIOULDE THIAM

Je me permets de répondre à vos propos avec la clarté et la fermeté qu’ils méritent. Vos accusations, teintées d’ironie, sur un prétendu « service éminent rendu » en échange de félicitations ou de récompenses sont non seulement infondées, mais aussi absurdes. Mon engagement pour l’intégration des langues internationales dans nos systèmes éducatifs et économiques n’a rien à voir avec une quelconque quête d’approbation. Il s’agit d’un combat sincère pour doter nos jeunes des outils nécessaires pour réussir dans un monde de plus en plus globalisé.

Vous semblez me reprocher de négliger nos langues nationales au profit des langues internationales. Permettez-moi de clarifier ma position : je suis fermement en faveur de l’officialisation et de la reconnaissance de toutes nos langues nationales. Elles représentent une richesse inestimable de notre patrimoine culturel et doivent être préservées et promues. Cependant, je suis aussi réaliste. Aujourd’hui, nos langues nationales ne sont pas encore prêtes à être utilisées comme vecteurs prioritaires de développement dans les domaines scientifiques, technologiques, et économiques. Leur modernisation prendra du temps et nécessitera un travail de fond pour les adapter aux exigences du monde contemporain.

L’exemple sud-africain est instructif à cet égard. En Afrique du Sud, onze langues nationales ont été officialisées​ (La Constitution sud-africaine promulguée en 1996), offrant ainsi une reconnaissance symbolique et juridique à chaque communauté linguistique. Cependant, même dans ce contexte, l’anglais reste la langue principale de l’économie, de l’éducation supérieure, et des affaires internationales. Ce modèle montre qu’il est possible de reconnaître et valoriser les langues locales, tout en adoptant une approche pragmatique vis-à-vis des langues internationales. C’est précisément cette voie que je propose pour la Mauritanie : un équilibre entre la promotion de nos langues nationales et la reconnaissance du rôle crucial des langues internationales pour notre développement.

Vous me reprochez de favoriser les langues internationales, mais la réalité est que sans une maîtrise de ces langues, nous privons nos citoyens des opportunités qu’offre le monde d’aujourd’hui. L’anglais​ et d’autres langues internationales sont les langues des échanges économiques, de la science, de la diplomatie, et des technologies. Refuser cela, c’est isoler notre pays et réduire les chances de notre jeunesse de participer activement à l’économie mondiale.

En ce qui concerne la situation des Haratines, vous soulignez à juste titre que leur marginalisation persiste malgré le fait qu’ils parlent l’arabe, ​la langue officielle​ en Mauritanie. Cela démontre bien que le problème ne se limite pas à la langue, mais s’enracine dans des structures d’inégalités sociales, économiques et politiques. De la même manière, les Négro-Mauritaniens ne verront pas leur situation s’améliorer par une simple réforme linguistique. Il nous faut des politiques globales qui abordent les questions d’injustice et de marginalisation sur tous les plans, y compris l’éducation, l’économie et la gouvernance.

Vous m’accusez de « couper nos racines » en prônant l’apprentissage des langues internationales. Cette critique est fondée sur une incompréhension totale de ma position. Je ne propose pas d’abandonner nos langues nationales, mais je pense qu’il est irresponsable, à ce stade, de les prioriser au détriment des langues internationales. Celles-ci jouent un rôle clé dans notre capacité à interagir avec le monde et à profiter des avantages de la mondialisation. Nos langues locales doivent être développées et modernisées, mais cela prendra du temps. D’ici là, les langues internationales continueront à être des outils indispensables pour nos peuples.

Mon engagement est de travailler pour renforcer la place de nos langues nationales dans le système éducatif, tout en permettant à nos citoyens de maîtriser les langues internationales. Comme l’Afrique du Sud ou d’autres nations africaines qui ont trouvé un équilibre entre le respect de leurs langues locales et l’ouverture au monde, la Mauritanie peut également tracer sa propre voie. Nos langues locales méritent d’être reconnues, mais cela ne doit pas se faire au détriment des opportunités que les langues internationales peuvent offrir.

Enfin, vous mentionnez que je pourrais ignorer vos remarques sous prétexte que vous n’êtes pas Mauritanien. Bien au contraire, je crois fermement que les questions linguistiques en Afrique dépassent les frontières nationales. La complexité de ces enjeux exige une réflexion large et pragmatique. Nous devons concilier nos identités culturelles et linguistiques avec les réalités d’un monde globalisé.

Je vous remercie néanmoins pour cet échange, qui, bien que polémique, permet de clarifier mes positions et de contribuer à une discussion plus approfondie sur l’avenir linguistique et culturel de notre pays et de notre continent. J’espère que nos échanges aideront à avancer vers des actions concrètes pour le développement de nos langues et pour l’émancipation de notre peuple.

 

 

Salutations distinguées,

Toka Diagana

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 11 octobre 2024)

 

 

 

 

Suggestion Kassataya.com :

Langue, culture et développement : naviguer dans le dilemme éducatif de la Mauritanie

 La réaction du doyen Samba Diouldé Thiam à l’article de notre compatriote Toka DIAGANA

 

 

 

 

 

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