Suisse n’a jamais été une puissance coloniale et n’est que marginalement concernée par le sujet. Pourtant, à travers ses négociants, mercenaires, anthropologues ou missionnaires, le pays alpin a contribué à l’expansion coloniale, suscitant de vifs débats sur la façon dont il doit se confronter à ce passé.
– LaC’est ce que cherche à éclaircir une exposition à Zurich qui se penche pour la première fois sur ce passé longtemps resté dans l’ombre mais sur laquelle les historiens cherchent désormais à faire la lumière pour comprendre comment le pays en a, lui aussi, profité.
Intitulée «Colonialisme – une Suisse impliquée», l’exposition présente une série d’objets qui témoignent de cette participation aux côtés des grandes puissances coloniales européennes.
Elle montre notamment des toiles de coton du XVIIIe siècle utilisées par les négociants suisses comme monnaie d’échange pour acheter des personnes réduites en esclavage, des sacs pour charger sur les navires des denrées comme du coton ou du cacao ou encore l’uniforme d’un officier enrôlé dans un régiment de mercenaires à la solde de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, puis de la Couronne britannique.
«Depuis le mouvement Black Lives Matter, il y a beaucoup de débats sur le colonialisme et la Suisse»
Parmi les objets présentés, figurent également une collection de papillons constituée par un riche marchand dans une plantation de café à Cuba et la casquette ainsi que le fouet d’un ressortissant suisse recruté comme fonctionnaire dans l’État indépendant du Congo au début du XXème siècle.
«C’est un thème difficile», a déclaré Denise Tonella, la directrice du Musée national suisse, à l‘AFP. Avant d’ajouter : «Il n’est pas facile de se confronter à un sujet peu flatteur», mais «c’est une question importante pour la société d’aujourd’hui».
«Depuis le mouvement Black Lives Matter, il y a beaucoup de débats sur le colonialisme et la Suisse», explique-t-elle, l’objectif de l’exposition étant de fournir des outils pour comprendre ces questions.
Dans le sillage des manifestations aux États-Unis en 2020 suite à la mort de George Floyd et du déboulonnage d’une statue d’esclavagiste à Bristol au Royaume-Uni, la ville de Neuchâtel a été agitée par une controverse autour de la statue de David de Pury, un banquier et négociant du XVIIIème.
Longtemps considéré comme le bienfaiteur de Neuchâtel, sa ville natale à laquelle il avait fait de généreux dons, sa statue avait été aspergée de peinture rouge en 2020 et un collectif qui mettait en cause son implication dans le commerce triangulaire avait lancé une pétition pour qu’elle soit retirée.
Un compromis avait été trouvé, les autorités locales optant pour une plaque explicative et l’installation, juste à côté, d’une œuvre critique d’un artiste genevois représentant la statue à l’envers, la tête enfoncée dans le socle.
Des théories qui justifieraient la colonisation
«L’histoire n’intéresse pas de la même façon à toutes les époques», écrit le professeur bâlois Georg Kreis dans le catalogue de l’exposition, expliquant que ces questions sont longtemps restées «dans l’ombre» au niveau académique. Puisqu’elle n’avait pas de colonie, la Suisse était perçue comme «un cas particulier hors de l’histoire générale», un «pays innocent», retrace cet historien. Mais «l’intérêt pour le passé colonial a changé après le nouveau millénaire», explique-t-il.
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