Une Kamala Harris offensive s’impose lors du débat face à Donald Trump

Le MondeDécryptagePour leur premier face-à-face, l’ex-président républicain et la vice-présidente démocrate se sont âprement affrontés sur l’économie, l’avortement, l’immigration et les armes.

Soudain, Donald Trump fit plus que son âge. Il grimaçait. Il rapetissait. Il gesticulait, à court de sarcasmes et d’oxygène. Mardi 10 septembre, lors de leur première confrontation télévisée, l’ancien président s’est accroché à ses invectives comme à une bouée percée, face à la « marxiste » Kamala Harris. Il revenait sans cesse à son obsession, qui lui tient lieu de programme : l’immigration illégale. Mais sa rivale démocrate a déstabilisé le milliardaire comme rarement il l’a été depuis son entrée en politique, en 2015. Au point qu’après l’émission celui-ci se sentit obligé d’aller à la rencontre de la presse, pour défendre lui-même sa prestation. Kamala Harris, elle, tout en confiance, se disait prête à un autre débat.

 

Fin juin, sur CNN, Donald Trump avait assisté, presque interdit, au naufrage de Joe Biden lors de leur joute télévisée. Cette fois, c’est lui qui fut acculé, sonné de coups précis. Dans une opinion publique déjà largement partagée entre les deux prétendants, l’impact de ce moment de télévision demeure incertain. Il pourrait être moindre que le soutien apporté dans la foulée par la chanteuse Taylor Swift à la démocrate. Kamala Harris a néanmoins passé un test essentiel : celui de la crédibilité. Elle est parvenue à imposer l’idée qu’il faudrait « tourner la page » sur les excès de l’ère Trump, comme si la présidence Biden avait été une parenthèse. Voilà l’échec du candidat républicain : son incapacité à confronter Kamala Harris aux faiblesses de l’administration actuelle.

Organisé sans public au National Constitution Center, à Philadelphie (Pennsylvanie), le débat diffusé sur la chaîne ABC a offert au grand public américain un vif contraste. Les interrogations sur la capacité de Kamala Harris à tenir le choc ont été levées lorsqu’elle a pénétré sur le plateau pour serrer la main de son adversaire, qui semblait hésiter. Cet esprit offensif ne quitta plus la vice-présidente. Elle regardait les téléspectateurs dans les yeux ; Donald Trump parlait aux modérateurs. Elle tenait un argumentaire, détaillait ses « plans » successifs, poursuivait l’inculpation politique de son adversaire ; frustré, énervé, Donald Trump avait du mal à aller au bout d’une pensée.

L’immigration illégale, obsession du républicain

« J’ai des concepts de plan, je ne suis pas président maintenant », répondit-il, lorsqu’il fut interrogé sur l’assurance-maladie et la possibilité d’un remplacement du système Obamacare. Son esprit d’escalier traditionnel semblait descendre en colimaçon. Il était parfois interrompu par les deux présentateurs, David Muir et Linsey Davis. Ces derniers ont excellemment joué leur rôle, corrigeant certains mensonges, comme le fait que les réfugiés haïtiens dans la ville de Springfield (Ohio) « mangent les chiens », selon le milliardaire. Les journalistes se sont logiquement attiré les critiques acides des partisans de l’ancien président.

Donald Trump lors du débat présidentiel américain, sur le plateau de la chaîne ABC, à Philadelphie (Pennsylvanie), le 10 septembre 2024.

Donald Trump lors du débat présidentiel américain, sur le plateau de la chaîne ABC, à Philadelphie (Pennsylvanie), le 10 septembre 2024.  

Le débat débuta par l’économie. Kamala Harris défendit son plan immobilier et ses initiatives en faveur des petites entreprises, en contraste avec son rival et ses « baisses d’impôts pour les milliardaires et les grandes entreprises, qui provoqueront 5 000 milliards de dollars de déficit supplémentaire », selon elle. De son côté, l’ancien président vanta ses projets de taxes élevées sur les importations, en assurant qu’elles ne provoqueraient pas d’inflation massive. « D’autres pays vont enfin, après soixante-quinze ans, nous rembourser pour tout ce que nous avons fait pour le monde », dit-il. Donald Trump préféra en venir au cœur de son propos : l’immigration. « On a des millions de gens qui se déversent dans notre pays en provenance de prisons, d’institutions psychiatriques », assura-t-il, en ajoutant que ces migrants « prennent le contrôle de villes ».

Kamala Harris expédia cette question, identifiée comme l’un de ses points faibles dans les sondages. Elle rappela que Donald Trump avait poussé les élus républicains à la Chambre des représentants à bloquer le texte sénatorial bipartisan qui aurait renforcé les moyens policiers à la frontière avec le Mexique. « Il préfère faire campagne sur un problème plutôt que de résoudre un problème », dit-elle de son rival.

L’avortement fut l’une des passes d’armes les plus marquantes. Donald Trump loua « le génie, le cœur et la force » des juges conservateurs de la Cour suprême, qui ont renvoyé la question aux Etats et supprimé le droit fédéral. La voix de Kamala Harris se tendit jusqu’au chevrotement, en évoquant le sort des femmes contraintes de fuir les Etats qui interdisent l’interruption volontaire de grossesse, pour l’obtenir ailleurs. La vice-présidente qualifia d’« immoral » le fait qu’une victime de viol ne puisse prendre une décision concernant son propre corps, en cas de grossesse. « Et personne n’est obligé d’abandonner sa foi ou ses convictions profondément ancrées pour s’accorder sur le fait que le gouvernement, et certainement pas Donald Trump, ne devrait dire à une femme ce qu’elle doit faire avec son corps », ajouta-t-elle. Kamala Harris répéta son engagement en faveur d’une loi fédérale garantissant le droit à l’avortement. Donald Trump, lui, garda l’ambiguïté sur l’hypothèse d’un texte inverse, interdisant la procédure dans tout le pays, préférant dévier la conversation sur la dette étudiante.

A plusieurs reprises, il accusa Kamala Harris de « détruire le pays », qui risquerait de se transformer en un « Venezuela sous stéroïdes ». Dénonçant son « agenda d’extrême gauche », l’ancien président affirma : « Elle veut confisquer vos armes et elle ne permettra jamais la fracturation hydraulique en Pennsylvanie. » Kamala Harris rappela qu’elle soutenait cette méthode d’extraction. Sur l’autre point, sa lame fut implacable. « Tim Walz et moi possédons tous les deux des armes. Nous ne prendrons les armes de personne. Alors, arrêtez avec les mensonges continus sur ce truc », dit Kamala Harris.

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 (Washington, correspondant)

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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