Tchad : le chef de la junte Mahamat Déby élu président, son Premier ministre proteste

Le général Mahamat Idriss Déby Itno a été déclaré jeudi vainqueur de la présidentielle, trois ans après avoir pris le pouvoir à la tête d'une junte militaire, mais son Premier ministre Succès Masra, battu, lui conteste cette victoire.

Courrier international – M. Déby, 40 ans, a recueilli 61,03% des voix, selon les résultats officiels provisoires de la commission électorale qu’il avait nommée, contre 18,53% à M. Masra, 40 ans aussi.

Le taux de participation s’est officiellement élevé à 75,89%.

Ces décomptes doivent encore être validés par le Conseil constitutionnel, lequel avait également été nommé par le chef de la junte.

Tirs en l’air

Peu après l’annonce, des militaires ont tiré en l’air à l’arme légère à N’Djamena dans le quartier où siège le parti de M. Masra, de joie mais aussi manifestement pour dissuader les gens de se rassembler, ont rapporté des journalistes de l’AFP.

Quelques habitants couraient pour se terrer chez eux et les rues ont vite été désertées.

C’était l’inverse près du Palais présidentiel, de nombreux partisans de Déby célébraient sa victoire en criant et chantant et klaxonnant dans leurs voitures, recouvertes du drapeau tchadien pour certaines.

Des soldats mais aussi des quidams manifestaient leur joie à coup de rafales de kalachnikovs en l’air.

AFP

Des partisans du général Mahamat Idriss Déby Itno fêtent sa victoire à la présidentielle, le 9 mai 2024 à N’Djamena, au Tchad

Au moins deux adolescents ont été blessés par des balles qui retombaient, a témoigné un journaliste de l’AFP.

M. Masra avait revendiqué la victoire avant la proclamation des résultats officiels dans un long discours sur Facebook où il accusait par avance le camp Déby d’avoir truqué les résultats pour annoncer la victoire du général.

Victoire « volée »

Invoquant la compilation des comptages des bulletins par ses propres partisans, il a appelé les Tchadiens à « ne pas se laisser voler la victoire » et à la « prouver » en « se mobilisant pacifiquement, mais fermement ».

« Je suis désormais le président élu de tous les Tchadiens », a énoncé M. Déby dans un très bref discours télévisé au ton monocorde, promettant de mettre en oeuvre ses « engagements ».

Ce scrutin devait marquer la fin d’une transition militaire de trois ans et nombre d’observateurs l’estimaient joué d’avance en faveur du général, proclamé chef le 20 avril 2021 pour remplacer son père Idriss Déby Itno qui venait d’être tué par des rebelles en se rendant au front, après avoir dirigé d’une main de fer, 30 années durant, ce vaste pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.

Le plus farouche pourfendeur de « la dynastie Déby » alors, Succès Masra, s’était finalement rallié à la junte et le général l’avait nommé Premier ministre quatre mois avant le scrutin.

Le reste de l’opposition, muselée et violemment réprimée, dans le sang parfois, l’avait accusé d’être un « traître » et d’être candidat à la présidentielle pour « donner un vernis démocratique et pluraliste » à un scrutin joué d’avance pour Déby.

AFP

Le Premier ministre et candidat à la présidentielle, Succès Masra, s’adresse aux médias dans sa résidence de N’Djamena, le 8 mai 2024 au Tchad

Mais l’économiste Masra a surpris tout le monde en rassemblant des foules considérables durant sa campagne, au point de s’enhardir et se dire capable de l’emporter, sinon de pousser M. Déby jusqu’à un second tour le 22 juin.

Si les partisans de Masra protestent contre son élection dans la rue, cela pourrait ouvrir la voie à des violences meurtrières, les manifestations de l’opposition étant systématiquement réprimées dans ce pays marqué, depuis son indépendance de la France en 1960, par les coups d’Etat, les régimes autoritaires et les assauts réguliers d’une multitude de rébellions.

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N’Djamena (AFP)

Source : Courrier international

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