Le Monde – C’est le nouvel épisode d’un phénomène qui s’accélère depuis quelques mois : les velléités de retrait du Maroc prêtées à la Société générale s’inscrivent dans un vaste mouvement de désengagement des banques françaises et européennes en Afrique.
Selon des rumeurs qui agitent la place financière du royaume depuis début mars, le groupe français pourrait céder sa filiale, la Société générale Maroc, à l’ancien ministre marocain de l’industrie et patron du groupe d’investissement Saham, Moulay Hafid Elalamy.
Si cette sortie se confirme, elle s’ajouterait aux départs déjà annoncés dans six pays africains (Burkina Faso, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale, Mauritanie, Mozambique et Tchad), depuis l’arrivée de Slawomir Krupa à la tête de la banque tricolore, en mai 2023. La Société générale reste pour l’heure bien positionnée en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée…), mais elle a ouvert une « réflexion stratégique » sur l’avenir de sa filiale en Tunisie.
Le groupe n’est pas seul à réduire la voilure en Afrique. Son concurrent BNP Paribas y a sérieusement revu à la baisse ses activités depuis cinq ans, en cédant bon nombre de ses participations (Sénégal, Mali, Gabon…), tout comme BPCE, qui a quasiment soldé son dispositif africain dès 2018. Même tendance chez les banques britanniques. Après plus d’un siècle de présence sur le continent, Standard Chartered a vendu en 2023 cinq de ses filiales africaines et envisage de quitter son dernier marché, la Côte d’Ivoire. Sa rivale Barclays avait déjà mis la clé sous la porte africaine en 2022, avec la cession des 7,4 % qui lui restaient au capital de la banque sud-africaine Absa.
Des économies largement informelles
Il semble loin le temps où l’Afrique était perçue comme un marché à fort potentiel par la communauté financière occidentale. Au début des années 2000, les taux de croissance échevelés du continent, sa démographie en plein essor et les perspectives d’émergence d’une nouvelle classe moyenne attisaient les convoitises. Mais la succession de crises − contre-choc pétrolier, Covid-19, guerre en Ukraine −, sur fond d’instabilité politique et sécuritaire, a douché l’enthousiasme.
« Les promesses existent toujours mais le rythme de progression est trop lent, et les banques n’ont pas forcément le temps d’attendre alors qu’elles sont confrontées à des coûts réglementaires très élevés, souligne Samira Mensah, spécialiste du secteur bancaire africain chez S&P Global. La balance entre risques et opportunités les conduit à revoir leur présence. » Pressées d’atteindre certains objectifs de rentabilité, « elles ont tendance à se replier sur des zones et des métiers dont elles ont une meilleure maîtrise », ajoute le Togolais Jonas Komlan Siliadin, maître de conférences à l’Ecole supérieure de la banque à Paris et consultant sur les questions de gouvernance.
Les établissements européens ont peiné à trouver un modèle profitable dans des économies largement informelles. Ils ont aussi semblé pris de court face au développement de la finance numérique, porté par l’adoption massive de l’argent mobile au sein d’une population africaine sous-bancarisée. « Dans le segment du paiement, les banques se font doubler par les opérateurs télécoms et les fintech, qui sont beaucoup plus agiles », indique Jean-Michel Huet, directeur chargé de l’Afrique au cabinet de conseil BearingPoint.
Source : Le Monde
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