Cameroun : un footballeur de la sélection nationale suspendu pour « double identité »

Présenté comme un prodige de 17 ans, Wilfried Nathan Douala avait rejoint les Lions indomptables pour participer à la Coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire. Selon nos informations, il s’appellerait en réalité Alexandre Bardelli et aurait au moins 23 ans.

Le Monde – L’histoire était trop belle. Sélectionné pour participer à la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en Côte d’Ivoire qui s’est achevé le 13 février par la victoire des Elephants, le Camerounais Wilfried Nathan Douala a été suspendu, le 10 mars, par la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) pour un problème de « double identité ». Cet « enfant », comme le surnomme son entourage, s’appellerait en réalité Alexandre Bardelli et aurait au moins 23 ans, selon nos informations.

A la CAN, le milieu de terrain du Victoria United, club de Limbé (première division) – ville balnéaire anglophone de la région Sud-Ouest – était entré dans la tanière par la plus belle porte, rejoignant d’illustres coéquipiers comme l’attaquant Vincent Aboubakar ou encore le gardien André Onana. Il était aussi, avec Leonel Ateba, l’un des deux seuls joueurs locaux parmi les vingt-sept élus. A 17 ans seulement – officiellement –, l’adolescent était le plus jeune footballeur engagé dans la CAN et sa présence avait même éclipsé la non-sélection surprise d’Eric Maxim Choupo-Moting, 34 ans, pourtant l’une des plus grandes stars de l’équipe.

Dans son pays, on avait déjà décrit ce frêle anonyme tatoué des jambes aux bras comme une « pépite », « la perle rare », « le plus mature de tous les enfants de 17 ans au monde ». « Il est intelligent dans le jeu, surtout en une touche de balle. Il est trop rapide, un bon dribbleur. Il a déjà donné plusieurs passes décisives au meilleur buteur de l’équipe cette saison », assurait au Monde Valentine Nkwain, le président du Victoria United.

Selon ce dernier, l’adolescent a été repéré en juin 2023 à l’académie Donlap, située à Douala, la capitale économique camerounaise, et en onze matchs de championnat seulement, il a plu à Rigobert Song, alors sélectionneur des Lions indomptables (il a été démis de ses fonctions depuis), au point de le convier à la CAN. « Je n’ai pas été surpris, avait estimé M. Nkwain. Il est tellement talentueux, il faut voir ce qu’il fait au stade. Il est l’avenir du jeu du Cameroun. »

Une rage de réussir sans limite

Mais, très vite, des suiveurs de l’équipe nationale camerounaise ont eu un doute sur l’âge de Wilfried Nathan Douala. « Même si sa large barbe et sa moustache touffue réfutent son âge, il aurait véritablement 17 ans », affirmait pourtant en décembre 2023 le journal en ligne Camfoot.com.

Certains s’interrogeaient aussi sur la pertinence de sélectionner un joueur qui n’avait pas l’expérience du très haut niveau pour batailler tout au long d’un tournoi aussi relevé et dans une poule piégeuse composée de la Gambie (victoire 2-3), la Guinée (1-1) et le Sénégal (défait 3-1), tenant du titre (le Cameroun a été éliminé en huitièmes face au Nigéria, 2-0). D’ailleurs, le garçon n’a joué aucun des quatre duels – il n’avait même pas été inscrit sur la feuille de match – mais il s’est fait remarquer par ses danses décalées et ses chants pour encourager ses coéquipiers avant chaque rencontre.

 

Il y a deux ans, le 21 janvier 2021, lors de la CAN organisée au Cameroun, Le Monde s’était rendu sur le terrain d’entraînement Soppo-Priso de Douala pour rencontrer l’équipe de l’Oryx, club mythique au passé glorieux qui manquait cruellement de moyens. Crampons déchirés ou sans lacets, une vingtaine de jeunes couraient, ce matin-là, derrière un ballon et un rêve : « devenir pro » et « rejoindre la sélection », assuraient-ils.

L’un d’eux semblait animé par une rage de réussir sans limite. Il disait s’appeler Alexandre Bardelli et avoir 21 ans. Il répétait qu’il voulait « être pro même si les conditions ne sont pas bonnes ». Au pays, sur le continent, en Europe, en Asie. N’importe où. « C’est possible en me sacrifiant, soulignait ce milieu offensif, tatoué des jambes aux bras. Tant que je n’aurai pas atteint mon objectif, je continuerai à m’entraîner. J’ai l’amour du foot. » C’était donc cet « amour » et cette obsession d’atteindre un jour son but qui poussaient ce garçon timide à taper le ballon deux ou trois fois par jour sur un sol sablonneux encerclé par des cadavres de bouteilles en plastique. Le jeune homme avait alors accepté d’être pris en photo.

Lire la suite

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page