« Ringard », Facebook ? Vingt ans après, pourquoi le réseau social reste le plus populaire

Décryptage - Vingt ans après sa création, Facebook est parfois considéré comme un réseau social sur le déclin. Et pourtant : avec plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs quotidiens, c’est de loin le réseau social le plus utilisé au monde.

Le Monde – « Facebook n’est pas mort, ni mourant. » Que le directeur de Facebook, Tom Alison, ait eu besoin de l’écrire noir sur blanc dans un communiqué, en mars 2023, est un bon indicateur de la réputation dont souffre le réseau social lancé le 4 février 2004.

« Ringard », « Dinosaure », « C’est pour les vieux ! » : voilà comment certains internautes, répondant à un appel à témoignages du Monde, qualifient la plate-forme. Pourtant, comme le clame Tom Alison, « Facebook est bien vivant, et même florissant. » Les derniers chiffres trimestriels, parus jeudi 1er février, sont éloquents : chaque jour, 2,11 milliards de personnes s’y connectent, l’équivalent d’un quart de la population mondiale – une augmentation de 6 % en un an.

Ringard, Facebook ? « Le problème de vieillissement est sérieux », s’alarmait en tout cas un chercheur salarié de Facebook en 2021 dans un mémo révélé par les « Facebook Files » – le nombre d’adolescents américains sur la plate-forme avait alors baissé de 13 % en deux ans. Même constat en France. Sophie Jehel, professeure à l’université Paris-VIII, scrute chaque année les pratiques numériques de milliers d’élèves de 2de en Normandie. Si, en 2018, 65 % d’entre eux déclaraient utiliser Facebook, ils ne sont désormais plus que 31 %, révèle la dernière version du rapport, à paraître en février. Ils lui préfèrent désormais YouTube, Instagram, Snapchat et TikTok. « Quand ils évoquent encore Facebook, c’est pour parler de leurs parents », constate la chercheuse

« Le réseau social des classes populaires »

Les 31 % de fidèles au réseau fondé par Mark Zuckerberg ? « Ils restent pour les relations familiales », note Sophie Jehel, qui souligne que ces jeunes utilisateurs « sont souvent les moins favorisés socialement, avec le capital scolaire le plus modeste ».

Et cette observation ne s’applique pas qu’aux adolescents. Dans les usages de Facebook, « il y a une fracture générationnelle, mais aussi sociale », abonde Romain Badouard, maître de conférences à l’université Paris-Panthéon-Assas. « C’est le réseau social des classes populaires. Derrière le discours de ringardise, il y a l’idée que les élites culturelles, médiatiques, intellectuelles, vont privilégier d’autres plates-formes. »

Une forme de snobisme, donc. Le chercheur, spécialiste des réseaux sociaux, souligne un autre biais : « Considérer Facebook comme ringard est un point de vue occidental. Dès qu’on se décentre, on se rend compte qu’il reste très utilisé et en forte croissance dans les pays du Sud. »

Les trois quarts de ses utilisateurs actifs quotidiens se trouvent ainsi en dehors des Etats-Unis, du Canada et l’Europe. Et si Facebook a perdu 1 million d’utilisateurs en Europe entre 2021 et 2023, et n’a enregistré « que » 10 millions d’inscriptions aux Etats-Unis et au Canada, le réseau social a en revanche conquis, sur la même période, 172 millions d’utilisateurs ailleurs dans le monde.

Pour ses milliards d’utilisateurs, Facebook reste un outil privilégié pour rester en contact avec ses proches... ou même avec des inconnus.

Savoir se rendre indispensable

« J’ai désactivé mon compte Facebook en 2023. J’ai mis longtemps à franchir le pas. Mais ça y est, c’est fait. Et c’est un sentiment agréable. » Julien, 40 ans, fait partie de la centaine de personnes à avoir répondu à l’appel à témoignages du Monde. Julien n’est pas son vrai prénom – « Je n’ai pas quitté Facebook pour que des informations personnelles apparaissent dans les médias », ironise-t-il au téléphone. Mais si plusieurs personnes nous ont raconté s’être déconnectées, la plupart préfèrent rester, avec plus ou moins d’enthousiasme. Car, en vingt ans, Facebook a su se rendre indispensable.

En premier lieu, parce qu’il permet de garder le lien avec certaines personnes, qui ne sont pas sur d’autres réseaux. La famille, souvent, mais pas seulement. Annie, retraitée férue de voyages, chérit la « chaîne d’amis du monde entier » que la plate-forme lui a permis de constituer. En cela, Facebook bénéficie de son statut de pionnier des réseaux sociaux. « Comme c’était le premier grand réseau social, tout le monde s’y trouvait, analyse le chercheur Romain Badouard. Il n’y a pas de raison pour ceux qui y sont de le quitter pour une plate-forme où toutes les connexions sociales seraient à refaire. On reste où sont nos proches. »

Des proches avec qui l’on communique parfois exclusivement par Messenger, la messagerie instantanée de Facebook, citée comme une de ses fonctionnalités incontournables. D’autres évoquent les événements, les anniversaires, et parfois les messages de personnes disparues, qu’ils souhaitent conserver.

« Facebook permet par ailleurs de se tenir informé rapidement de toutes les actualités locales », apprécie Claudine, retraitée narbonnaise, qui cite, pêle-mêle, « gendarmerie, ville, région, clubs sportifs et culturels, cinéma, théâtre, restaurant… » C’est l’une des particularités de la plate-forme : être devenue un flux d’informations locales, prisé des petits commerces, mais aussi un espace d’entraide ou de rencontre sur son territoire.

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Source : Le Monde– (Le 02 février 2024)

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