L’Afrique en 2024 : des présidentielles à la pelle, l’alternance démocratique à la peine

Candidat pour un second mandat, le président Mauritanie, sort enfin de son palais pour aller sur le terrain en multipliant les visites, les lancements et les inaugurations de projets. Ainsi, il rompt avec l’une des principale critiques formulées à son égard, le fait d’être distant du peuple.

Le 360.ma – En 2024, les 15 élections présidentielles prévues seront-elles un gage de l’ancrage démocratique tant de fois évoqué au niveau du continent. Rien n’est moins sûr. Les dés semblent déjà pipés dans de nombreux pays. Tour d’horizon.

D’Alger au Cap, de Dakar à Moroni, l’année 2024 sera rythmée en Afrique par des élections présidentielles. Logiquement, plus d’une quinzaine d’élections présidentielles sont prévues en Afrique. Ce qui est un signe d’ancrage démocratique. Reste que pour de nombreuses joutes électorales, le scrutin pourrait bien se traduire par un rituel politique formel devant permettre la perpétuation du pouvoir entre les mains d’une seule personne ou d’un seul parti.

C’est dire que les alternances politiques, comme ce fut le cas au Liberia en 2023 avec la défaite de George Weah acceptée avec un fair-play exemplaire, sont encore des cas rares en Afrique. Le même scénario pourrait se passer une nouvelle fois au Ghana, où le candidat du parti au pouvoir risque d’être emporté par la crise économique aiguë que traverse le pays et l’inflation qui a laminé le pouvoir d’achat des ménages.

Ainsi, en l’absence d’alternance, le véritable baromètre de l’avancée démocratique en Afrique reste le taux d’abstention.

 

Sénégal : entre continuité et rupture totale (25 février 2024)

C’est une première au Sénégal, l’élection présidentielle se déroulera en l’absence du président sortant. Après deux mandats consécutifs, le président Macky Sall ne pouvait se présenter à l’élection présidentielle du 25 février prochain. C’est dire qu’au lendemain de ces élections, le Sénégal connaitra le nom de son 5e président depuis l’indépendance, après Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall.

Le Sénégal, un des rares pays africains à ne jamais avoir connu de coup d’Etat depuis son indépendance. L’élection de cette année est très ouverte, même si deux candidats semblent partir avec quelques avantages.

D’abord, il y a le candidat de la mouvance présidentielle, Amadou Ba qui bénéficie du soutien du président sortant et des partis membres de la coalition Benno Bokk Yaakar.

En tant que Premier ministre, mais aussi d’ancien ministre des Finances et des Affaires étrangères, il bénéficie également de l’impact du bilan du gouvernement, même si celui est à double tranchant. Le candidat est néanmoins affaibli par des candidatures des membres de la coalition dont celle Boune Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye…

En face, si les opposants sont nombreux -Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade (PDS), Khalifa Sall (Taxawu Sénégal), Idrissa Seck (Rewmi), Aliou Dia (PUR),…-, il y a le cas de l’opposant Ousmane Sonko, dirigeant de l’ex-Pastef.

Incarcéré depuis le 31 juillet 2023, Sonko lutte pour sa réinscription sur les listes électorales (condition sine qua non pour se présenter à la présidentielle). Arrivé 3e lors de la dernière présidentielle de 2019, il espère faire partie de la short list des candidats admis à se présenter à la présidentielle, même s’il doit rester en prison durant la campagne.

Son dossier ayant passé le stade du parrainage, il n’en demeure pas moins que les ex-Pastef ont aussi présenté le dossier de son lieutenant, Bassirou Diomaye Faye, au cas où le Conseil constitutionnel annulerait la candidature de Sonko.

Au total, quelques 90 Sénégalais ont déposé leurs candidatures pour cette élection présidentielle. Toutefois, grâce au système de parrainage, on se retrouvera certainement avec une douzaine de candidats à la fin.

C’est la 20 janvier courant que sera annoncé la liste définitive des candidats. A l’instar des élections de 2019, lorsque ce filtre a réduit les candidats à 5 seulement contre une trentaine de postulants, cette fois-ci aussi le dernier mot, après les parrainages, reviendra au Conseil constitutionnel seul à même de valider ou d’invalider les candidatures.

Dans ces conditions, il sera difficile, voire impossible, qu’un des candidats puisse être élu au premier tour prévu le 25 février prochain.

Afrique du Sud : est-ce la fin de l’hégémonie de l’ANC?

Cyril Ramaphosa reste le grand favori de cette élection présidentielle sud-africaine, malgré les scandales de corruption et les crises multiples (chômage record, délestage, criminalité élevée…) qui ont entaché son premier mandat. Des éléments qui ont fortement impacté la popularité de l’ANC.

On est ainsi loin de la ferveur que suscitait l’ANC lors de la première élection présidentielle libre signant la fin de l’apartheid. L’ANC avait remporté l’élection avec 62% des voix.

Depuis, l’électorat du parti n’a cessé de s’effriter sous l’effet de plusieurs facteurs: crise économique, incapacité des régimes successifs à améliorer la qualité de vie de la majorité noire, corruption de l’élite dirigeante… Du coup, lors des élections locales de 2021, l’ANC n’a obtenu que 46% des voix.

Partant, le score du parti risque encore de s’effriter davantage. Et même certains ténors, comme l’ancien président Jacob Zuma, ont tourné le dos au parti. Celui-ci a d’ailleurs annoncé qu’il ne votera pas l’ANC lors de la prochaine présidentielle. Le comble pour celui qui a dirigé le parti et présidé à la destinée du pays aux couleurs de l’ANC.

Cependant, l’ANC reste le parti le plus populaire du pays, la majorité noire, traumatisée par des décennies d’Apartheid, n’est pas encore prête à voter pour l’Alliance Démocratique, le principal parti de l’opposition. En conséquence, le parti de Nelson Mandela qui dirige le pays depuis la fin de l’Apartheid, pourra toujours conserver le pouvoir, mais en formant des alliances avec de petits partis politiques, particulièrement le parti radical des Combattants pour la liberté économique (EEF) de Julius Malema, troisième force politique du pays.

En conclusion, si l’ANC vit le début du crépuscule de son hégémonie sur la vie politique sud-africaine depuis 1994, le parti arc-en-ciel n’est pas encore prêt à laisser les rênes du pouvoir, faute d’alternatives solides. En clair, même s’il sera obligé de nouer des alliances, l’ANC et Ramaphosa devraient conserver le pouvoir.

Ghana : un modèle de démocratie et d’alternance avec la crise comme arbitre (7 décembre 2024)

Le Ghana est certainement l’un des modèles d’alternance politique pacifique en Afrique. Cette élection du 7 décembre 2024 ne devrait pas déroger à la règle. Après deux mandats consécutifs à la tête du pays, le président Nana Akufo-Addo ne peut plus se représenter. La présidentielle est donc ouverte. Pour lui succéder, le Nouveau Parti Patriotique (NPP) mise sur son vice-président Mahamudu Bawumia, 60 ans, et vice-président du Ghana depuis 2017.

Face à lui, l’ancien président et candidat malheureux lors des deux dernières élections John Dramani Mahama, qui a dirigé le pays entre 2012 et 2017, candidat du Congrès National Démocratique (NDC) qui brigue la magistrature suprême pour la 4e fois consécutive.

Dramani Mahama, 65 ans, espère retrouver le palais présidentiel et il a de fortes chances d’y arriver. D’abord, son principal adversaire est handicapé par le bilan économique du parti au pouvoir.

Le Ghana est durement touché par la crise économique qui a poussé le président Akufo-Addo à se dédire et faire appel au Fonds monétaire international (FMI) pour sauver l’économie ghanéenne durement affectée par les impacts du Covid-19 et de la crise Russie-Ukraine.

Le pays a fait face à une inflation élevée de 40% (la hausse des prix des produits alimentaires ayant dépassé la barre des 50%). Une situation qui a affecté le pouvoir d’achat de la population et entrainé une désaffection d’une partie l’électorat du NDC.

Ce qui pourrait profiter à l’ancien président Dramani Mahama, resté encore un peu populaire auprès d’une frange importante de la population. D’ailleurs, tous les sondages le donnent gagnant face à son principal adversaire avec des écarts très importants.

Algérie : Tebboune se prépare et attend l’aval de l’armée

L’élection présidentielle en Algérie est prévue à la fin de l’année 2024. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, n’a pas encore annoncé sa candidature pour un second mandat. Il est fort probable qu’il attend l’aval des militaires pour se lancer. En 2019, cette armée avait pesé de tout son poids pour le faire élire.

D’ailleurs, le président algérien et Saïd Chengriha, le chef d’Etat-major, constituent le binôme qui dirige l’Algérie. En attendant, on peut dire qu’il a déjà commencé sa campagne avec des largesses annoncées aux Algériens en ce début 2024. Maintien des subventions généralisées, élargissement de la palette des maladies prises en charge, plafonnement des taux d’intérêt, hausse des salaires, des voitures neuves accessibles, réformes du statut des enseignants… Autant d’annonces faites par le président qui ont l’allure de promesses de campagne électorale.

La candidature de Tebboune, une fois adoubée par l’armée, passera comme une lettre à la poste, nonobstant ses promesses électorales. En effet, la répression, comme règle, a fini par anéantir toute opposition. Harcelés, menacés, emprisonnés et exilés, les opposants algériens ont tous fini par jeter l’éponge.

Les cas de Rachid Nekkaz et d’Azzedine Mihoubi, tous deux candidats malheureux de la présidentielle de 2019 et qui ont annoncé tout simplement leur retrait de la vie politique, en dit long sur la manière dont le régime politico-militaire musèle ses opposants en Algérie.

Tunisie : Kaïs Saied, ses principaux opposants en prison, aucun suspens (octobre 2024)

En Tunisie, l’élection présidentielle d’octobre 2024 ne promet pas de suspens. Et pour cause, l’hyperprésident Kaïs Saied, en plus de concentrer presque tous les pouvoirs, a fini par mettre ses principaux opposants pour la présidentielle en prison ou en exil. C’est le cas notamment des dirigeants des partis d’Ennahdha (Rachid Ghannouchi, Mondher Ounissi, Abdelkarim Harouni…), du Parti Destourien Libre -PDL- (Abir Moussi).

Du coup, et en absence de Nabil Karoui, président de Qalb Tounes et candidat qui avait réussi à se hisser au second tour de l’élection présidentielle de 2019, et des principaux opposants, sauf imprévu, le boulevard est ouvert pour un second mandat au président Kaïs Saied.

Le seul facteur qui devrait ternir son élection est le taux de participation qui a été déjà très faibles lors des précédents scrutins organisés par ses gouvernements. En tout état de cause, cette élection permettra à Saied de réaffirmer sa légitimité et de consolider les pouvoirs entre ses mains.

Toutefois, il sera confronté à de nombreux défis : crise économique, inflation, chômage,… Autant de problèmes auxquels il fait déjà face mais qui risquent de s’accentuer davantage durant les mois à venir.

Mauritanie : Ghazouani sans véritables opposants (22 juin 2024)

Candidat pour un second mandat, le président Mauritanie, sort enfin de son palais pour aller sur le terrain en multipliant les visites, les lancements et les inaugurations de projets. Ainsi, il rompt avec l’une des principale critiques formulées à son égard, le fait d’être distant du peuple.

On lui reproche d’être barricadé derrière les murs du Palais gris de Nouakchott, se coupant des réalités de la population. Le fait de rompre avec cet isolement est un signe qui ne trompe pas quant à l’annonce imminente de sa candidature à l’élection de juin 2024.

Bénéficiant du soutien de l’armée, la réélection du président Ghazouani ne devrait pas poser de sérieux problèmes. Et ce n’est pas que son bilan des cinq dernières années soit bon, loin de là, mais faute d’adversaires de taille et de la division de l’opposition mauritanienne, surtout après le laminage des partis politiques historiques.

Pour nombre d’observateurs mauritaniens, Ghazouani qui bénéficie des retombées de ses politiques sociales -revalorisation des retraites des fonctionnaires, couverture maladie universelle, lutte contre l’exclusion…- ne devrait pas rencontrer de difficultés pour sa réélection faute de candidats.

Actuellement, le seul candidat à même d’attirer des foules est Biram Dah Abeid. Toutefois, celui-ci arrivé second lors de la présidentielle de 2019 a perdu une grande partie de son électorat du fait certainement de son «rapprochement» du pouvoir.

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Source : Le 360.ma (Maroc)

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