COP28 : un accord historique trouvé à Dubaï sur une « transition hors des énergies fossiles »

Les Etats participant à la conférence mondiale sur le climat ont approuvé un texte de compromis appelant à abandonner progressivement les combustibles fossiles afin d’éviter les pires conséquences du changement climatique.

Le Monde – Une procédure express après des jours d’hésitation et de tension. Quelques minutes à peine après le début d’une réunion plénière plusieurs fois repoussée, Sultan Al-Jaber, a tapé son marteau. Par ce geste, le président de la 28e Conférence des parties sur le climat (COP28) a scellé un accord sur le Global Stocktake, le texte le plus important de cette conférence. Ce bilan de l’accord de Paris de 2015, censé rehausser les ambitions des Etats, inscrit des mots forts contre les énergies fossiles, responsables à 80 % du réchauffement climatique. Il s’agit d’une décision « historique pour accélérer l’action climatique », a déclaré Sultan Al-Jaber, après une ovation de la salle.

Il aura fallu, avant ce moment important, une nuit blanche pour chercher des termes acceptables par les délégations du monde entier. Mardi 12 décembre, jour officiel de la fin de COP28, M. Al-Jaber a d’abord perdu son pari de terminer à l’heure. A Dubaï, personne n’y croyait vraiment. Trop de pression, trop d’enjeux, trop de résistance planaient entre les pavillons nationaux… Car, pour la première fois de l’histoire de la diplomatie climatique, une conférence de l’ONU s’était emparée d’un sujet tabou, les énergies fossiles. Le responsable émirati n’a donc cessé de repousser la publication de la version définitive du Global Stocktake. Puis, il a consulté toute la nuit : les Etats-Unis, l’Union européenne (UE), des pays comme le Bangladesh et, surtout, le ministre de l’énergie de l’Arabie saoudite, le prince Abdulaziz Ben Salman, arrivé après minuit… un travail nocturne indispensable pour préparer le terrain de cette dernière journée de réunions plénières.

A la recherche d’un compromis épineux entre les parties les plus allantes pour une sortie (phase out) des énergies fossiles à terme (l’UE, les représentants des petites îles, de nombreux pays d’Amérique latine) et les pays producteurs accrochés à leur modèle économique, Sultan Al-Jaber a alors tenté une nouvelle formule. Dans le « paquet énergie » de la dernière version du texte, il a inscrit « transitioning away from fossil fuels in energy systems », c’est-à-dire une « transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques », sans précision de date.

Cette créativité lexicale et diplomatique permet de se passer du terme « phase out », qui hérissait les pays du golfe, tout en essayant de raccrocher les plus ambitieux. L’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 est rappelé. Une façon aussi d’embarquer les pays en développement et émergents, puisque cette évolution doit se faire de manière « juste, ordonnée et équitable », c’est-à-dire à un rythme différent suivant les économies.

Le pic n’a toujours pas été atteint

 

Au-delà de cette phrase cruciale, le texte grave dans le marbre une des avancées importantes de cette COP : l’objectif de triplement de la production d’énergies renouvelables et de doublement de l’efficacité énergétique en 2030. Comme déjà prévu à Glasgow (Royaume-Uni), lors de la COP26 en 2021, les Etats doivent réduire l’utilisation du charbon. Et les investissements inutiles dans les énergies fossiles doivent disparaître.

Histoire de ne pas effrayer des pays producteurs comme les Etats-Unis, il n’écarte pas les paris sur l’avenir en prônant une « accélération des technologies à émissions nulles ou faibles, y compris, entre autres, (…) le nucléaire, les technologies de réduction et d’élimination telles que le captage et le stockage [de carbone], et l’hydrogène bas carbone ». Cela laisse la porte ouverte à une exploitation des énergies fossiles si elles sont adossées à des technologies de réduction des émissions.

Après des mois de pression des ONG très irritées par cette COP, organisée chez le septième producteur de pétrole, ce consensus s’est construit en un peu plus de trente-six heures. Lundi, vers 17 heures, la présidence de la COP publie un projet de Global Stocktake. Un texte un peu fourre-tout avec des verbes très faibles, dans lequel les Etats sont « invités » à faire des efforts. Un document semblant répondre point par point aux multiples coups de pression des pays exportateurs du golfe. Dans une lettre, publiée vendredi 8 décembre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole appelait ses membres à refuser tout accord. « On nous arrache le tapis sous les pieds », dit alors un négociateur européen, alors que l’idée d’une « sortie » à terme s’était imposée dans les débats de la COP.

Ce moment a accéléré les choses. Dans la foulée, les Européens se coordonnent. Ils conviennent de monter au créneau. Après avoir eu quelques difficultés à trouver une salle, la High Ambition Coalition, qui avait réuni quatre-vingts pays autour de la sortie des énergies fossiles lors de la COP27, en Egypte, improvise une réunion où une quarantaine de pays se rendent. Une nouvelle forme de multilatéralisme climatique s’improvise. Le Chili, le Royaume-Uni, la Colombie, le Kenya, le Sénégal, le Danemark… les responsables arrivent les uns après les autres, prennent la parole, debout ou assis autour d’une table, pour répéter leur volonté de rester rivés à l’objectif du +1,5 °C de réchauffement. « Une ambiance d’AG étudiante et en même temps une grande gravité », décrit un responsable présent.

Les ambitieux font bloc. Selon plusieurs sources, M. Al-Jaber ne s’attendait pas à cette réaction. Pendant toute la journée de mardi, puis durant toute la nuit, il retravaille sa copie. Les allers-retours sont permanents avec les délégations, notamment John Kerry, l’envoyé spécial américain, Teresa Ribera, la ministre de la transition écologique espagnole, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil européen, mais aussi les voix des pays producteurs et des pays en développement. Les conférences de presse sont repoussées, les groupes se réunissent dans différents coins du Dubai Exhibition Centre. Un casse-tête diplomatique.

Pour rééquilibrer son texte, M. Al-Jaber et son équipe choisissent alors avec soin le vocabulaire utilisé. Les termes, jugés trop mous, disparaissent. En introduction du passage sur l’énergie, le texte Global Stocktake définitif inscrit la « nécessité de réductions profondes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre » et « appelle les parties à y contribuer ». Ce dernier cite encore abondamment les préconisations scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en particulier la plus urgente : la réduction de 43 % des émissions en 2030 par rapport au niveau de 2019, un défi considérable, alors que le pic n’a toujours pas été atteint.

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Source : Le Monde

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