En Afrique, le manque d’information météorologique accroît les risques climatiques

Le continent possède le réseau d’observation le moins dense de la planète, ce qui compromet sa capacité à anticiper les phénomènes extrêmes.

Le Monde  – Au mois de mai, des inondations et des glissements de terrain provoqués par des pluies torrentielles autour du lac Kivu, à la frontière du Rwanda et de la République démocratique du Congo, ont fait au moins 600 morts. Quand ils ont voulu se pencher sur cette catastrophe quelques semaines plus tard, les scientifiques du World Weather Attribution se sont trouvés « démunis », raconte Friederike Otto, cofondatrice de ce réseau international de chercheurs qui étudie l’influence des changements anthropiques sur les événements climatiques extrêmes. « Faute de données, nous n’étions même pas en mesure de dire combien de pluie était tombée, où et quand », souligne cette climatologue à l’Imperial College de Londres.

L’épisode illustre l’une des carences dont pâtit le continent le plus exposé aux conséquences du dérèglement climatique : le manque d’information météorologique. Alors que la 28e Conférence mondiale pour le climat (COP28), qui débute jeudi 30 novembre à Dubaï, doit débattre de la concrétisation d’un fonds « pertes et dommages » pour aider financièrement les pays vulnérables victimes du réchauffement, « comment pourront-ils estimer les dégâts subis s’ils n’ont pas les moyens de les observer et de les mesurer ? », interroge Friederike Otto.

Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’Europe et les Etats-Unis pris ensemble – soit 1,1 milliard d’habitants et 20 millions de kilomètres carrés – disposent de 636 radars météo, un outil essentiel pour suivre les précipitations. L’Afrique, avec 1,3 milliard d’habitants et 30 millions de kilomètres carrés, n’en a que trente-sept.

« Bien qu’elle couvre un cinquième de la superficie totale du globe, l’Afrique possède le réseau d’observation terrestre le moins développé de tous les continents » et celui-ci « est en train de se détériorer », alertait aussi l’OMM dans un rapport paru en 2020. A l’échelle du continent, les stations météorologiques destinées à enregistrer la température, l’humidité, la pression barométrique ou l’intensité du vent sont trop éparses ou en mauvais état : dans les pays subsahariens, à peine 20 % fournissent un service fiable.

Coûts élevés du matériel et rareté du personnel qualifié

Pourtant, « l’Afrique, grâce aux satellites, ne manque pas exactement de données climatiques », souligne Brice Montfraix, expert au sein du programme GMES (Global Monitoring for Environment and Security) et Afrique. Cette initiative conjointe de l’Union européenne et de l’Union africaine permet au continent d’exploiter les images des satellites de l’Agence spatiale européenne, comme Sentinel. « Ce qui manque, ce sont les moyens de vérifier et interpréter ces données, de les transformer en informations utiles, car les capacités en termes d’équipements au sol et d’expertise au sein des services météorologiques sont en général trop lacunaires, en fonction des pays », poursuit M. Montfraix.

Les coûts élevés du matériel et de la maintenance ainsi que la rareté du personnel qualifié constituent autant de freins pour des services fonctionnant avec des budgets réduits. « Dans des pays où il y a des besoins urgents dans tous les secteurs, celui-ci n’est pas forcément perçu comme prioritaire », analyse Edmond Totin, enseignant à l’université nationale d’agriculture du Bénin et coordonnateur du chapitre africain du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Ce déficit d’expertise météorologique a des incidences multiples, notamment sur la prévision des saisons, devenues plus irrégulières sous l’effet du changement climatique. Or, « en Afrique, où une grande partie de la population dépend de l’agriculture, une information fiable est très importante pour aider les producteurs à semer au bon moment », rappelle M. Totin.

Reste aussi à ce que cette information, lorsqu’elle existe, soit bien diffusée vers la population cible, ce qui constitue un nouveau défi dans les régions où l’accès à l’Internet et à l’énergie reste limité.

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(Cotonou (Bénin), envoyée spéciale)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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