Fally Ipupa, rumba superstar du continent africain

Portrait - A 45 ans, le chanteur a su renouveler la rumba congolaise et l’adapter aux recettes de la pop mondiale. Ce 25 novembre, il sera sur la scène du Paris La Défense Arena, devant quarante mille spectateurs. Un succès qui fait de lui le digne héritier de Papa Wemba.

M Le Mag – Dans la très calme et très bourgeoise ville de Neuilly-sur-Seine, l’équipe ne s’attendait pas à provoquer autant d’animation. Mais ce jour d’octobre, dans une petite rue de la commune des Hauts-de-Seine, la séance photo vient à peine de démarrer que de petits attroupements se forment. Des éboueurs arrêtent leur camion et dégainent leur téléphone portable pour filmer la scène. Depuis le trottoir d’en face, un groupe d’adolescents poste les images sur les réseaux sociaux. Un facteur au volant d’une voiture jaune freine, baisse la vitre et crie : « Aigle ! » L’homme ainsi surnommé, sourit avant de reprendre la pose.

Fally Ipupa a l’habitude d’attirer l’attention. A 45 ans, le chanteur et compositeur congolais est un incontournable de la musique africaine. Les usagers du métro parisien croisent son visage sur des affiches publicitaires d’une société de transfert d’argent vers l’Afrique mais surtout le 25 novembre, il sera sur la scène de Paris La Défense Arena, la plus grande salle de spectacle française, avec quarante mille personnes attendues.

Un concert déjà considéré comme historique, puisque les quinze mille premières places mises en vente ont été écoulées en une journée, remplissant la première jauge en un temps record. Un engouement tel que dix mille billets supplémentaires ont aussitôt été mis à disposition. « Seuls les artistes internationaux aux grosses audiences sont capables d’en vendre autant », assure Raphaëlle Plasse, la directrice de la programmation.

Jeunes auditeurs de toutes origines

En dix-sept ans de carrière, « Fally » – comme l’appellent ses fans – est devenu un monument de la musique africaine. Ses admirateurs furent d’abord ses compatriotes et les membres de la diaspora congolaise en France et en Belgique (l’ancienne puissance coloniale de 1885 à l’indépendance, en 1960). La renommée de celui qui se consacre alors à la rumba a ensuite gagné le reste de l’Afrique subsaharienne, du Nigeria à la Côte d’Ivoire, avant de conquérir de jeunes auditeurs de toutes origines. Un public varié qui l’applaudira à Paris, mais aussi à l’OVO Arena Wembley (douze mille cinq cents places), à Londres, le 8 décembre, et à l’ING Arena (quinze mille places), à Bruxelles, le 16. Une tournée à la mesure d’un artiste qui compte quelque quinze millions d’abonnés tous réseaux sociaux confondus et un milliard et demi de vues sur YouTube.

Pour le grand public occidental, la musique congolaise s’est longtemps résumée à Papa Wemba, emblème de la world music, collaborant avec l’icone américaine Aretha Franklin ou l’auteur-compositeur britannique Peter Gabriel et connu pour ses tenues, copiées sur tout le continent africain… Un mythe. Un statut que peut aujourd’hui revendiquer Fally Ipupa, à jour des nouveaux codes, notamment marketing, de l’industrie musicale et qui incarne les bouleversements de la musique populaire.

« Tout ce que je peux dire, c’est que je suis reconnaissant », déclare-t-il dans sa voiture. Il est 16 heures et l’artiste entame son marathon d’interviews. Il parle de son prochain concert parisien comme d’un « rêve d’enfant », une étape décisive de sa carrière. « J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là. »

En 2017, « Tokooos », aux influences hip-hop et R’n’B

Avant de remplir les plus grandes salles d’Europe, Fally Ipupa était un chanteur de rumba congolaise parmi d’autres, l’une des vedettes de ce genre musical qui mêle sonorités africaines et caribéennes, et dans lequel les percussions jouent un rôle majeur. Son premier disque, Droit chemin, sorti en 2006, s’est écoulé à quatre-vingt-cinq mille exemplaires. S’enchaînent ensuite des albums souvent composés de chansons d’amour exclusivement interprétées en lingala, la principale langue parlée en République démocratique du Congo.

Sa carrière a pris une autre dimension au cours de la décennie 2010. Les maisons de disques françaises, particulièrement attentives aux parcours des musiciens africains, commencent à suivre Fally Ipupa de plus près. Alexis Puterflam, directeur du label Elektra, chez Warner, flaire son potentiel : « Mon idée était d’élargir sa notoriété au-delà de la diaspora africaine. Je voulais en faire une superstar globale, car il y avait un terreau déjà présent. Vu son talent, il méritait d’être connu mondialement », relate-t-il. « Je voyais plus grand », confirme l’artiste. En juillet 2017, il sort Tokooos, son quatrième album, où la traditionnelle rumba se mélange cette fois aux influences hip-hop et R’n’B.

Le coup d’essai est un succès. Tokooos est certifié disque de ­platine en 2022, vendu à plus de cent vingt mille exemplaires. L’opus est à l’unisson de l’engouement de l’époque pour les musiques africaines : les genres du continent, comme l’afrobeat nigérian ou l’amapiano sud-africain, s’imposent dans les compositions de stars occidentales, telles Beyoncé, et une nouvelle génération d’artistes émerge, au premier rang desquels les Nigérians Burna Boy et Wizkid – avec lequel Fally Ipupa a signé le duo Yakuza.

S’adapter au nouveau public francophone

Habile, le Congolais conserve ses racines musicales et les remanie à sa convenance. Il appelle cela la « tokooos musique ». « Un mélange de rumba et de musique urbaine, résume-t-il. Depuis le début de ma carrière, je souhaite défendre la musique congolaise, mais également m’ouvrir à d’autres influences. » « Il a clairement inventé un genre : la musique urbaine congolaise, estime Binetou Sylla, productrice et spécialiste des musiques africaines, à la tête de Syllart Records. Il a imposé sa place, si singulière dans cet écosystème. »

Fally Ipupa sait aussi s’adapter. A son nouveau public francophone, notamment. Pour Tokooos, il délaisse le lingala pour le français, raccourcit ses morceaux, qui, entre six et dix minutes, ne correspondent pas au format radio européen. Le voilà diffusé sur de nombreuses stations de radio françaises (Skyrock, NRJ, Générations…) et sollicité par la presse. S’ajoutent des duos avec des rappeurs, comme Booba, Naza, très populaire auprès des jeunes, ou encore la chanteuse Aya Nakamura.

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Source : M Le Mag

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