Mauritanie – Fonds Spécial de Solidarité Sociale et de Lutte Contre le Coronavirus : Gestion « covidée »

La pandémie Covid-19 paraît déjà très loin mais ces ravages n’ont pas été que sanitaires en Mauritanie : les finances publiques en ont pâti, le malheur des uns faisant le bonheur des autres.

Des fonctionnaires véreux ont pris un malin plaisir à détourner des fonds par des procédés subtils, plusieurs départements ministériels ont été pointés du doigt pour leur gestion douteuse : surfacturations, services inexistants, paiements sans décharge, cumul de fonctions… Il a fallu tout repasser au peigne fin et le rapport de la Cour des comptes pour les exercices 2019,2020 et 2021 a ainsi relevé des irrégularités et anomalies dans la gestion du Fonds Spécial de Solidarité Sociale et de Lutte Contre le Coronavirus (F3SL2C).

« La contribution de l’État à hauteur de 32 % des ressources du fonds », souligne le rapport, « est contraire aux dispositions de l’article 8 de la loi N°2018-039 en date du 09/10/2018 portant loi organique relative aux lois de finances. Celui-ci traite « des opérations financées au moyen de ressources particulières » en précisant que « les contributions de l’État ne peuvent dépasser 10 % du total des prévisions. » Il est également décelé « l’absence de procédures formalisées pour l’exécution de certaines composantes en situation d’urgence, ce qui a entrainé une violation fréquente de la réglementation en vigueur, notamment le code des marchés publics et les règles d’exécution des dépenses publiques ».

Autre anomalie criante, « l’absence totale de coordination entre les départements ministériels et institutionnels chargés de l’exécution des différentes composantes du fonds […]  [et] une dilution des responsabilités due à un manque d’identification préalable des personnes responsables de l’exécution des différentes composantes du fonds ».

Cumul de fonctions incompatibles

La Cour des comptes a constaté que lors de la réalisation de certaines activités liées au COVID-19 au niveau de la Direction Générale de la Régulation, de l’Organisation et de la Qualité des Services et des Soins (DGROQSS), deux directrices et un chef de service ont cumulé des fonctions incompatibles. « À titre d’illustration, la cheffe du service « Éducation pour la santé » a été chargée de la prise en charge du centre d’appel 1155 et a reçu en cash les montants destinés à son fonctionnement. Cette cheffe de service était la seule à décider, engager et payer en même temps les dépenses de ce centre d’appel. C’était elle, par exemple, qui recrutait directement et payait les opérateurs, louait directement et payait les moyens de transport ; engageait et payait les autres dépenses de fonctionnement (carburant, fournitures, autres, etc. …) ».

En réponse à cette observation, la secrétaire générale du ministère de la Santé a indiqué que les dépenses concernées « rentrent dans le cadre d’appui supplémentaire non programmé, dicté par la pandémie COVID-19 qui a surpris la Communauté internationale et sont destinés essentiellement à des activités très spécifiques inconnues auparavant par les services du ministère de la Santé et constituent un impératif de prévention à l’échelle nationale. […] Au vu de ce qui précède et compte-tenu de la combinaison des facteurs de nouveauté des interventions, de l’urgence d’agir pour sauver des vies menacées, de la rareté des ressources matérielles, d’une part ; et, d’autre part, de la disponibilité des fonds dans les comptes du ministère de la Santé, contrairement au reste du fonds COVID placé au Trésor public, le ministère de la Santé s’est vu dans l’obligation de poursuivre la même procédure auparavant mise en place et approuvée par les donateurs ». Le département des finances toutefois fait savoir, au sujet de cette observation, que « la gestion concerne des ressources en dehors du fonds dans des comptes bancaires pour des projets relevant du ministère de la Santé ».

Mauvaise gestion des fonds et des stocks de dons

Le rapport constate que « certaines dépenses engagées, dans le cadre de la riposte contre la propagation de la pandémie du COVID-19, pouvaient être évitées. À titre d’exemple, le Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et à la Société Civile et le Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille ont effectué des décaissements importants pour l’acquisition de 212.000 masques de protection individuelle, alors que les magasins du Ministère de la Santé enregistrent des quantités importantes de ces masques provenant de dons (1.268.880 masques, suivant PV d’inventaire au 31/12/2020) ».Cette situation signale clairement, estime le Rapport, « une mauvaise gestion des fonds et des stocks de dons, ainsi qu’une absence notoire de coordination entre les différents départements et le ministère de la Santé. Elle a entrainé une perte financière pour le Fonds de 5.276.000 MRU.

En réponse à cette observation, l’ex-secrétaire générale du ministère de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Famille a indiqué que « les masques acquis par le département étaient nécessaires pour accompagner une campagne ciblant, dans toutes les wilayas du pays, de larges franges de la société, telles les malades, les handicapés ou les coopératives féminines, et une grande quantité de masques a été distribuée dans les marchés ».

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Synthèse THIAM Mamadou

 

 

 

 

Source : Le Calame (Mauritanie) – Le 15 novembre 2023

 

 

 

 

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