L’industrie automobile, un bon plan pour la Cedeao ?

Afrique XXI  Parti pris · La promesse de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest de constituer un marché unique dans la sous-région patine. Et si, sur le modèle de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, prémices de l’Union européenne, ce projet nécessitait le développement d’un programme industriel commun ?

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a pour objectif de faire de la région un espace sans frontières. Pour atteindre un tel degré d’intégration et garantir la durabilité de son projet, l’organisation sous-régionale devra créer les conditions permettant de rendre tous ses membres interdépendants.

En effet, l’intégration naît de l’interdépendance. L’histoire de la naissance de l’Union européenne (UE) en est la preuve : c’est à partir d’un projet industriel que l’on a pu générer cette interdépendance essentielle entre les pays. Ce projet a permis d’impulser le mouvement d’intégration économique des pays européens.

L’intégration européenne a débuté en 1952, environ deux ans après qu’une déclaration historique, la déclaration Schuman, a proposé la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca). Ce que visait l’auteur de cette déclaration, Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, était de faire de l’intégration régionale l’outil d’une paix durable en Europe. Six pays européens (Allemagne de l’Ouest, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas), qui étaient en guerre moins de dix ans auparavant, ont uni leurs forces, rassemblé leurs ressources et commencé à produire de l’acier à partir du charbon sous le commandement d’une haute autorité, organe exécutif collégial et supranational. Il est évident que c’est bien la Ceca qui a lancé le processus d’intégration européenne, en créant un marché commun du charbon et de l’acier.

Bien que la Ceca n’ait pas atteint ses ultimes objectifs, comme par exemple définir une politique européenne de l’énergie, on peut y voir un projet visionnaire dont la plus grande réussite a été de rapprocher les pays membres et de les rendre interdépendants à travers un processus industriel nécessitant le partage et la répartition des tâches. D’ailleurs, on sait que, grâce à la Ceca, les échanges commerciaux entre les membres ont augmenté (et même décuplé pour l’acier, selon des chiffres de 1970).

 

L’Afrique au cœur du projet européen

 

Il est cependant important de rappeler que la déclaration Schuman comporte aussi un passage qui peut surprendre, puisqu’il fait allusion au « développement du continent africain »1. Robert Schuman défend en effet une idéologie pour le moins controversée, « l’Eurafrique », qui fait de l’Afrique le pourvoyeur de matières premières au profit de l’Europe.

C’est de cette idéologie néocoloniale qu’est née, le 28 février 1975, la convention de Lomé, un accord de coopération commerciale entre la Communauté économique européenne et 46 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Il s’agissait, pour l’Europe, non seulement de garantir son approvisionnement permanent en matières brutes, mais aussi d’empêcher dans la mesure du possible que les ententes et unions entre pays africains ne mettent en danger le développement des industries européennes.

Tant la convention de Lomé que l’accord de Cotonou (2000), ou encore les accords de partenariat économique qui les remplacent, traduisent bien dans la forme le souci de faire renaître une sorte de pacte colonial, identifié dès le milieu des années 1960 par les pionniers de la théorie de la dépendance2.

Le rêve inachevé de l’OUA

L’intégration africaine est quant à elle née en mai 1963 avec la fondation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), incarnation très imparfaite de l’idéologie panafricaine partagée par des millions de personnes sur le continent et dans la diaspora africaine. Pour l’historien guyanien Walter Rodney, cette idéologie exprime la « riposte des Africains à leur oppression ». Handicapée par ses divisions internes3, cette riposte fut malheureusement trop timide.

Deux documents résument la vision de l’OUA en matière de développement et d’intégration : le Plan d’action de Lagos pour le développement de l’Afrique (PAL), publié en 1980, et le traité de 1991 instituant la Communauté économique africaine (ou traité d’Abuja).

Le PAL est un vaste programme de développement pour le continent africain. Il comporte treize chapitres, dont un consacré à l’industrie. Les thèmes clés de ce chapitre sont le développement collectif autonome, la coopération régionale et internationale, la création d’emplois, le développement des ressources humaines et la nécessité d’harmoniser les stratégies de développement au niveau régional. Le traité d’Abuja a le mérite d’avoir officialisé les Communautés économiques régionales (CER) et d’avoir posé les jalons d’un processus d’intégration progressive devant mener à une union économique et monétaire et à la création d’un Parlement panafricain.

L’importance de ces deux documents pour l’avancement de l’intégration africaine est indéniable. Ils fournissent le cadre général et une feuille de route à suivre pour parvenir à l’unité africaine. Cependant, cet exercice qui vise à l’autodétermination africaine ne dépasse pas le cadre théorique et ne décrit pas les moyens à utiliser pour passer du stade primaire du libre-échange aux unions douanières puis au marché commun. Or le passage réussi d’un niveau d’intégration à un autre implique que les membres des CER ont développé entre eux un tel degré de confiance qu’ils acceptent de dépendre les uns des autres. Un projet industriel de qualité est de nature à générer cette forme d’interdépendance.

 

 

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Éric Tevoedjre

Éric Tevoedjre a étudié les sciences politiques et les relations internationales à Genève

 

 

 

Source : Afrique XXI 

 

 

 

 

 

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