Les dessous de la visite du chef de l’Etat au Soudan : L’exemple de Madagascar avec Daewoo vaut méditation

Au terme de sa visite officielle au Soudan, Mohamed Ould Abdel Aziz et Oumar Hacen El Bechir, ont signé des accords bilatéraux engageant les deux pays dans leur traditionnelles relations de coopération.

 

A cette occasion, Oumar Hacen El Bechir a exprimé la joie du Soudan, de sa direction et de son peuple pour la visite officielle effectuée par le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz et la délégation qui l’accompagne, ainsi que leur satisfaction pour les résultats qui ont sanctionné cette visite.

également s’attendraient à la cession d’un domaine d’environ 25.000 hectares tant à MBagne (Brakna) qu’à Ganki (Gorgol) pour y cultiver la canne à Ces accords ont trait à la coopération bilatérale qu’entendent entretenir les deux parties, dans le domaine de l’industrie du sucre et du pétrole. Même si rien n’a filtré sur les détails des trois accords, nul doute que l’accord sur la coopération industrielle dans le domaine sucrier, laisse entrevoir une volonté de la Mauritanie, de s’ouvrir aux investisseurs étrangers dont le soudan, pour leur vendre ou louer les vastes terres inexploitées jusqu’ici, le long de la vallée du fleuve. On le sait, l’Etat mauritanien a prêté bonne oreille aux investisseurs saoudiens du groupe Al Rajhi pour mettre à leur disposition plusieurs dizaines de milliers d’hectare dans le Brakna surtout dans le département de Boghé. Les soudanais sucre à une grande échelle.
Question ! Quel est le contenu et l’ampleur de cet accord qui laisse non seulement perplexe les paysans de la vallée du fleuve mais aussi leur donne du souci ? La Mauritanie a-t-elle proposé de vendre ou de louer ces terres agricoles ? Autant de questions qui méritent réponse.
Il nous semble que si un ensemble de principes et de mesures étaient respectés, cela pourrait rendre plus acceptable ce que les paysans de la vallée dénoncent comme un accaparement de leurs terres par l’Etat sans autre forme de procès. Par conséquent, il faudrait notamment respecter les droits des agriculteurs. Les accords devraient être négociés au niveau local et pas seulement national. Les contrats d’investissement devraient privilégier les besoins en développement des habitants, et une partie des récoltes devrait être vendue sur place. Soulignons qu’à chaque fois qu’un arpent de terre est acquis dans notre pays par des intérêts étrangers, c ‘est autant de terre en moins pour nourrir les habitants.

Les exemples ne sont pas synonymes de réussite

Selon les données recueillies par l’International Food Policy Research Institute, une organisation américaine, l’Arabie Saoudite a déjà conclu toute une série de contrats. Et, en avril dernier, elle a approché la Tanzanie dans l’espoir de lui louer 500 000 hectares pour y cultiver du riz et du blé. Des sociétés agricoles indiennes, soutenues par leur gouvernement, prospectent dans une demi-douzaine de pays d’Afrique ; des sociétés d’investissement britanniques et américaines opèrent des tractations en Angola, au Mali, au Malawi, au Nigeria et au Soudan ; des entreprises chinoises négocient en République démocratique du Congo, en Tanzanie et en Zambie, tandis que la Corée du Sud a accaparé 690 000 hectares au Soudan. Ce pays est d’ailleurs une cible de choix: l’Egypte, la Jordanie, le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Qatar y sont tous en pourparlers. La Chine, la Corée du Sud et l’Arabie Saoudite apparaissent comme les fers de lance de ce mouvement, convoitant des terres un peu partout en Afrique. D’ailleurs le mouvement a tendance à s’accélérer rapidement. Car tous les pays semblent réaliser subitement qu’à l’avenir les marchés internationaux seront moins fiables et moins stables. Ils cherchent donc à se prémunir soit en achetant des terres à l’étranger, soit en encourageant leurs investisseurs à le faire», explique Olivier de Schutter expert des Nations Unies. Jacques Diouf, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), voit dans ce phénomène un «pacte néocolonial», et Duncan Green, porte-parole de l’ONG Oxfam, «une version privatisée de la course à l’Afrique». Pour les pays riches dont l’agriculture est peu développée, l’idée est tout simplement de sous-traiter la production et de la rapatrier chez eux. Le phénomène concerne surtout le riz, le maïs, le soja, la canne à sucre et les lentilles.
Déjà au Kenya, l’investissement qatarien est décrié. Mais c’est de Madagascar que sont venus les premiers avertissements, qui indiquent que ces accords ne sont probablement pas bénéfiques pour tout le monde. Le projet du conglomérat sud-coréen Daewoo de cultiver du maïs sur 1,3 million d’hectares a rencontré une hostilité si grande qu’il a contribué au renversement du président Ravalomanana. Son successeur, Andry Rajoelina, s’est empressé de dénoncer l’accord. Voilà qui vaut méditation. L’homme propose, Dieu dispose. A bon entendeur salut !
 

Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 22/12/2010 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page