Opinion – France-Afrique, un tête-à-tête imaginaire ?

Pour le politologue nigérien Rahmane Idrissa, les États d’Afrique francophone se sentent prisonniers d’un pré carré qui n’existe plus depuis longtemps. Si Paris fait aujourd’hui figure d’épouvantail, c’est dû au poids de l’histoire. Politiquement, culturellement et économiquement, la France s’est éloignée.

Courrier international – Pour les “intellectuels” francophones, le réflexe, face à tout événement, est “cherchez la France.” C’est la première explication, parfois la seule.

L’Otan, c’est la France ; la Cedeao, c’est la France ; nos gouvernements, c’est la France. La France est omniprésente, apparemment omnipotente – bien que le jour où j’ai osé mentionner, devant un intellectuel burkinabè, que la France était une puissance, il a failli avoir une attaque (je plaisante à peine). Apparemment, elle peut tout, mais elle n’est rien.

Dans les années 1990, je vivais dans l’immeuble des étudiants nigériens à Dakar en co-chambrée avec un étudiant pharmacien doux et méditatif qui s’échappa d’une séance de French bashing, sport déjà favori des “intellectuels” nigériens (j’évitais soigneusement ces séances, étant soucieux de mon équilibre mental), et vint me dire, les yeux écarquillés et la voix molle et hésitante : “Mais… Mais qu’est-ce qu’ils veulent ? La France fait partie de notre histoire.”

Justement.

Cette histoire, surtout après l’indépendance, peut se résumer de façon simplifiée, quoique, je l’espère, pas simpliste, ainsi : 1960-1994 ; 1994-de nos jours.

 

L’ombre portée de la mondialisation

 

La première période est celle du néocolonialisme gaullien, qui commença à prendre fin dans les années 1970-1980 ; et de la prétendue Françafrique, surtout la politique de réseaux, qui fut une affaire générationnelle dont les dernières braises s’éteignirent au cours des années 1990.

La mondialisation fut ce qui tua le néocolonialisme, au moins celui lié à la France : par la suite vint le néocolonialisme tout différent et très froid de Bretton Woods [En 1944, les accords dits de Bretton Woods ont dessiné les grandes lignes du système financier international actuel], que les francophones, obnubilés par la France (le passé), n’ont toujours pas découvert.

La dévaluation du [franc] CFA, “trahison” impardonnable de la France (en fait, l’un des signes du déclin du néocolonialisme français), c’est Bretton Woods plutôt que Paris. [Le 11 janvier 1994, sous la pression de la Banque mondiale et du FMI, Paris décidait de la dévaluation de 50 % du franc CFA.]

Et il y eut une autre trahison de la France : celle de la promesse de La Baule [prononcé par François Mitterrand, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France, ce discours conditionne l’aide économique à la démocratisation des pays africains qui la recevaient]. Démocratisez, nous vous aiderons.

 

 

 

 

 

 

 

Source : Courrier international

 

 

 

 

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