
Depuis deux semaines, son entreprise artisanale est complètement à l’arrêt après que le ministère du commerce a pris la décision soudaine, mardi 1er août, de suspendre l’approvisionnement en farine, une denrée devenue précieuse dont l’Etat a le monopole et contrôle les quotas de distribution, pour les boulangeries non subventionnées ou qualifiées de « modernes ».
Hanine n’est pas la seule dans cette situation. A la suite de l’envoi d’un simple fax par le ministère du commerce aux différentes minoteries du pays, près de 1 500 boulangeries non subventionnées se sont retrouvées privées de la matière première principale nécessaire à leur activité : la farine.
Cette denrée devenue rare est vendue et rationnée par l’Etat selon deux circuits distincts : d’une part, les boulangeries traditionnelles totalement subventionnées, qui acquièrent la farine à un prix symbolique et théoriquement accompagné d’une compensation supplémentaire de l’Etat (que ce dernier ne verse pas depuis plus d’un an) ; d’autre part, les boulangeries « modernes » qui achètent une farine dite « spéciale », partiellement subventionnée, et qui coûte trois fois plus cher.
Affiliés à deux unions patronales différentes, les boulangers subventionnés et non subventionnés sont engagés depuis plusieurs mois dans une guerre sans merci, se blâmant mutuellement pour la crise du pain, bien que l’Etat en ait le monopole. Cette crise, qui ne fait qu’empirer au fil des mois, est régulièrement débattue dans les médias, avec des justifications quasi quotidiennes émanant des hauts responsables de l’Etat. Une déclaration enflammée du président tunisien Kaïs Saïed, pointant du doigt les boulangeries modernes et les prix appliqués aux baguettes de pain non subventionnées, met à présent en péril les 1 500 commerces concernés ainsi que les emplois de quelque 20 000 travailleurs.
« Un seul pain pour les Tunisiens »
Se référant à un décret beylical daté de janvier 1956, Kaïs Saïed a défendu l’idée d’« un seul pain pour les Tunisiens. Point à la ligne », accusant ces nouvelles boulangeries constituées après 2011 de spéculation sur la farine subventionnée à laquelle elles n’ont pourtant pas accès. « Nous devons prendre des mesures urgentes pour mettre fin à ces différences. Il ne saurait y avoir un pain pour les pauvres et un pain pour les riches. »
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