LA CONFERENCE DE PARIS SUR LE CLIMAT (COP 21) : QUELS ENJEUX POUR L’AFRIQUE ?

La problématique du réchauffement climatique ou plus globalement celle environnementale est devenue un des nombreux serpents de mer des relations internationales. Et pour cause ! Le 30 novembre 2015 s’ouvrira, à Paris, la 21ème Conférence des Nations Unies sur le climat, communément appelée COP 21.

            Vingt et une (21) ! Et quasiment autant de désaccords et d’atermoiements de la communauté internationale sur une question ô combien cruciale, qui appelle des solutions globales et durables. Si bien que celles-ci profiteraient à la fois aux peuples et aux générations. En effet, au début de l’histoire était le rapport Brundtland (1987). Intitulé « Notre avenir à tous »,  ce document invita les Etats à donner corps à l’impératif de solidarité entre les peuples d’une part,  et entre les générations de l’autre.  Ainsi, définit-il la notion de développement durable comme « un modèle de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Puis s’en suivra, en 1992, le 1er Sommet de la terre à Rio, sous l’égide des Nations Unies. A l’époque, l’objectif était de limiter l’augmentation de la température mondiale et de conjurer les effets néfastes du changement climatique. Presqu’un quart (1/4) de siècle plus tard, pareil dessein réunira de nouveau la Communauté internationale dans l’Hexagone. Autant constater, non sans désappointement,  qu’entretemps les Etats ont  plané de sommet en sommet sans jamais voler très haut. Malheureusement, que de parole forte et de main molle jusqu’ici ! Ce statu quo n’est pas ex nihilo, tant s’en faut. Parmi les causes de ce retard à l’allumage, le cas de l’Afrique.

            A juste raison ! Que veut dire la préservation des chances du futur pour, des africains sempiternellement aux prises avec la pauvreté et le chômage de masse,  des populations surtout subsahariennes majoritairement saisies de désespoir face à l’avenir ? L’urgence, en Afrique, ne porte-t-elle pas tout simplement sur la difficile satisfaction des besoins du présent ? Comment, du reste, associer l’impératif de croissance économique à la nécessité du souci environnemental ? En un mot, la conciliation économie-écologie ne serait-elle pas un trop grand luxe pour des Etats africains si longtemps fauchés économiquement et devant donc vite se rattraper ? Autant d’interrogations rendant compte des obstacles qui obstruent l’élan de l’Afrique vers la mêlée de la conscience et de l’œuvre universelles pour l’environnement. Et pourtant elle y est astreinte. Quoique sa responsabilité dans le réchauffement climatique est jusque-là mineure comparativement aux pays industrialisés. L’Afrique n’émet, en effet, que 2% des  gaz à effet de serre (GES). Néanmoins, elle serait la principale victime des conséquences du réchauffement climatique.

            Pour cela, à Paris, l’Afrique devra faire résonner une voix commune, et entonner des discours aussi retentissants que convaincants sur la nécessité d’une solidarité internationale, seul procédé à même de lui ouvrir la voie vers  une croissance durable, résiliente et sobre en carbone. Le fait est que les pays industrialisés ont mené jusque-là des modèles de croissance économique évasifs à la protection de l’environnement, sous le slogan : « la croissance d’abord, l’environnement après ». Le fait est aussi que les pays africains, pris en étau par le sous-développement, ne  peuvent  ni se permettre de ralentir leur croissance ni assumer tous seuls les financements abyssaux  de leur transition énergétique. Alors conviendrait-il, de la part des puissances industrialisées et des autres acteurs impliqués, d’épauler l’Afrique à aborder le virage difficile du diptyque  croissance-environnement.

Cette solidarité internationale devrait d’abord s’orienter vers l’indispensable transformation structurelle des économies africaines, seule échappatoire face à la  « la fureur de l’extrativisme ». En Afrique, la croissance économique est essentiellement assise sur le sable mouvant de l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables notamment fossiles. Un tel modèle de développement n’est ni durable ni efficient du fait de la finitude de ces énergies, de leur faible valorisation avant exportation et de l’importance  de la pollution engendrée par leur extraction et leur utilisation. C’est d’ailleurs le constat du rapport publié le mercredi 13 juin 2012 par la Conférence des Nations unies sur commerce et le développement (CNUCED), et intitulé : « le développement économique en Afrique : transformation structurelle et développement durable ». Ainsi, faudrait-il attirer les investissements étrangers dans les industries vertes et intensifier les transferts de technologies « propres » vers l’Afrique afin de « raccourcir les coûts et le temps d’adaptation de la production africaine aux urgences de la pauvreté du continent ».

Ensuite, le mix énergétique en Afrique est une opération devant s’appuyer sur un soutien international fort. Car les énergies renouvelables exigent des financements colossaux. En même temps que le renoncement progressif aux fossiles inflige une ardoise salée aux budgets des Etats. Cette transition énergétique ne pourrait être réussie en Afrique qu’avec des investissements importants dans le secteur des énergies renouvelables et la multiplication des subventions internationales pour ces énergies  de manière à les rendre plus accessibles sur le continent. Du reste, en matière de politique énergétique, les Etats africains n’ont pas manqué d’exprimer factuellement leur prise de conscience de l’importance des énergies renouvelables. A titre d’exemple, le Kenya a installé un parc d’éoliennes sur le lac Turkana. Mais cet élan demeure encore assez timide, et demande à être renforcé.

Enfin, le fonds vert mis en place par l’Organisation des Nations Unies devrait  susciter un engagement financier à la fois conséquent, ferme et contraignant de la part des puissances industrialisées et autres bailleurs privés. La désillusion de l’aide publique au développement autorise tout scepticisme quant à l’effectivité d’un tel financement.  De surcroit, conviendrait-il d’accorder une proportion plus importante  du fonds  à la gestion des impacts du dérèglement climatique. Parce qu’à ce jour, seuls les 16% du montant sont prévus à cet effet. Une part que certains experts estiment insuffisante compte tenu de l’ampleur actuelle de l’enveloppe globale (A ce jour 10,2 milliards de dollars). Or, l’Afrique – comme évoqué supra –  serait la principale victime du phénomène. Elle doit donc mener une bataille diplomatique vigoureuse dans le sens de l’élargissement de cette somme.

Pour finir, certes les Etats africains sont, pour la majeure partie, sous l’enténèbrement de la pauvreté les soumettant à la dictature du court-terme. Néanmoins, la pratique du long-terme doit garder toute sa splendeur et ne jamais passer à l’arrière-plan, surtout dans un continent où plus de 40% de la population a moins de 15 ans. Très loin d’être un luxe pour cette Afrique berceau de l’humanité, le souci climatique offrirait des opportunités face à la densification de la population africaine d’ici 2050. Toutefois, l’Afrique n’y arrivera pas toute seule. A ceux qui se sont industrialisés et développés jusque-là sans aucun égard pour l’environnement, à ceux-là qui portent la responsabilité principale de l’état actuel de la planète et qui doivent faire amende honorable,  de comprendre que c’est à eux d’aider l’Afrique à ne pas faire comme eux. Autrement dit, de faire en sorte que l’Afrique puisse réussir ce tournant décisif de l’écologie sans fracas. La COP 21 nous édifiera à ce propos

Ahmadou Lamine TOURE (Economiste)

Reçu à kassataya le 23 novembre 2015

 

 

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