L’étrange disparition du ministre des affaires étrangères chinois

Pourtant, de Chris Hipkins, le premier ministre néo-zélandais, le 27 juin, à l’ancien secrétaire d’Etat américain (1973-1977) Henry Kissinger, les 19 et 20 juillet, de nombreuses personnalités politiques sont passées par Pékin, en ce début d’été, pour rencontrer les plus hauts dirigeants chinois. Mais, à chaque fois, c’est Wang Yi, le prédécesseur de Qin Gang, qui le remplace. Henry Kissinger, dont le voyage n’avait pas été annoncé, a, lui, également été reçu par le président Xi Jinping, qui a tenu à saluer, selon la télévision publique CCTV « le rôle central de l’homme d’Etat centenaire dans l’ouverture des relations entre la Chine et les Etats-Unis dans les années 1970 », ainsi que par Li Shangfu, le ministre de la défense. Mais il aurait normalement dû être reçu par Qin Gang.

Le remplacement de ce dernier par Wang Yi n’est pas sans conséquence. Celui-ci est certes le directeur du bureau central des affaires étrangères du Parti communiste chinois (PCC) et membre du bureau politique du PCC, mais il n’a plus de responsabilités au sein de l’appareil d’Etat. C’est sans doute la raison pour laquelle la Chine a reporté la visite que devait effectuer à Pékin, le 10 juillet, Josep Borrel, le haut représentant des affaires étrangères de l’Union européenne (UE). De même, pour le moment, plusieurs ministres européens qui s’apprêtaient à se rendre en Chine sont dans l’expectative. « Même si c’est formel, un Etat ne peut pas signer un accord avec le représentant du PCC », confie un ambassadeur.

Sans que l’on sache s’il y a un lien de cause à effet, le nouvel ambassadeur d’Ukraine à Pékin, arrivé il y a plus d’un mois, a officiellement remis la copie de ses lettres de créances au gouvernement chinois, mais n’a toujours pas été reçu par les autorités du pays. Si, jusqu’à présent, Kiev minimise cette situation, plusieurs ambassadeurs de l’UE la qualifient en privé de « scandaleuse ».

En raison de cette absence de Qin Gang, Wang Yi a représenté mi-juillet la Chine à une réunion de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est à laquelle le ministre aurait dû participer. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’un porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois a évoqué « des raisons de santé » qui empêchaient Qin Gang de faire le déplacement.

La machine à rumeurs s’emballe

Quelles raisons de santé ? Mystère. Le South China Morning Post, quotidien de Hongkong, a évoqué le Covid-19. Mais plus l’absence se prolonge, moins cette hypothèse semble probable. De ce fait, la machine à rumeurs s’emballe. Le 13 juillet, les médias ont fait état d’une relation extramaritale du ministre avec une journaliste très connue, correspondante de la chaîne Phoenix aux Etats-Unis où elle interviewait les leaders mondiaux, dont Qin Gang, qui fut ambassadeur à Washington de juillet 2021 à janvier 2023.

Or, cette journaliste, qui avait été assez proche de M. Qin pour lui souhaiter publiquement un bon anniversaire au mois de mars, a publié le 11 avril un message énigmatique sur les réseaux sociaux, intégrant trois photos : l’une montre un jet privé vu de l’extérieur, la deuxième est prise au cours d’une interview de M. Qin et la troisième montre la journaliste à bord d’un jet privé, un bébé dans les bras. D’après le site Flightradar24, l’avion se rendait à Pékin.