France – Jane Birkin, chanteuse et comédienne, est morte à l’âge de 76 ans

Avec son mélange de séduction et d’intelligence, sa facilité à étaler ses sentiments sous des dehors pudiques, l’artiste, qui occupait une place à part dans la cartographie des stars françaises, est morte à Paris, dimanche.

 Le Monde – Tennis délacées, tee-shirt blanc et jean bleu, Jane Birkin vivait dans un naturel chic, par elle inventée. Anglaise, enracinée en France par la grâce d’un auteur-compositeur d’origine russe, Serge Gainsbourg, elle s’étonnait d’avoir été ainsi fascinée par « les Français, que je trouvais si beaux et par l’univers de Serge, sa religion juive, tellement attractive », au détriment de son pays d’origine. Première conséquence : à tout jamais, on devra à Jane Birkin l’invention d’un « créole » particulier, ce que son ami écrivain Olivier Rolin appelait un français « qui sort de ses gonds ».

Un jour, en 2008, et parce qu’elle était artiste musicienne, elle avait même décidé d’exorciser ses démons linguistiques en écrivant de A à Z Enfants d’hiver (ou divers) – exercice renouvelé douze ans plus tard, en 2020, avec l’album Oh ! Pardon tu dormais, réalisé avec son ami Etienne Daho. « Là, il fallait que je sois précise, que je ne me trompe pas en français, mais je voulais rester moi. J’ai mis du temps à comprendre “l’on s’éreinte”. Je pensais que cela signifiait jeter ses bras autour du cou. Alors, par exemple, je dis : “A la grâce de toi.” Gainsbourg avait bien écrit “l’amour de moi” », disait-elle alors, en riant. Et quand elle souriait, ses yeux se plissaient, c’était Birkin.

Jane Birkin est morte, dimanche 16 juillet, à Paris, selon les informations du Monde. Née le 14 décembre 1946, à Londres, Jane Birkin est la fille de David Birkin, commandant dans la Royal Navy, et de l’actrice Judy Campbell, qui fut la muse de Noël Coward, le célèbre dramaturge britannique. Pierre, ciment, cailloux, ciseaux, feuilles, choux, genoux : les mots chez Birkin changeaient parfois de genre, d’orthographe ou de destination, mais elle n’était jamais bâillonnée.

Après avoir soutenu ses causes et ses héroïnes, volant au secours des offensées, d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991, avant qu’elle ne tombe en disgrâce pour cause de collaboration avec la junte birmane, à Christiane Taubira, ancienne garde des sceaux de 2012 à 2016, que des opposants au mariage pour tous voulaient renvoyer « manger des bananes » en Afrique.

Icône pop

Tout chez Birkin était militant. Le look d’abord, de la robe archi-transparente portée le soir de la première du film Slogan, en 1969, au tailleur-pantalon Saint Laurent des concerts « Gainsbourg symphonique », en 2017. A la ville, au fil du temps, Birkin avait ajouté aux débardeurs échancrés des sweats confortables, des vestes en treillis qui tombaient pile-poil, le chignon et les lunettes demi-lune. Mais elle ne vieillissait pas, elle apprenait la vie en permanence, créature de la nuit et les nerfs à vif.

En 2008, Jane était déjà grand-mère et portait des pulls tricotés, quand la marque de chaussure Converse en fait une de ses égéries (aux côtés d’Asia Argento en Italie, Nina Hagen en Allemagne, ou feu Ian Curtis en Angleterre…). Des gens, précisait Converse, « choisis pour leur vision optimiste de la rébellion ». En 2021, à 75 ans, la voici au lit avec Etienne Daho pour un clip élégant sur les déboires conjugaux, illustrant la chanson Oh ! Pardon tu dormais, où elle se remémore les déchirures du couple qu’elle a formé avec le compositeur anglais John Barry, elle 17 ans, lui treize ans de plus.

Le chanteur et compositeur du groupe Mickey 3D, Mickaël Furnon, avait écrit en 2004 une chanson, Je m’appelle Jane, sous la forme d’un dialogue avec cette agaçante icône pop qui a réponse à tout. Il y posait les questions qui fondaient la relation quasi hypnotique de Birkin avec ses amis artistes et son public, qui s’achevait sur un définitif : « Je m’appelle Jane et je t’emmerde. »

« Dis, Birkin, pourquoi t’as pas grossi en vieillissant ? T’es toujours aussi belle qu’avant
C’est que je suis maligne »

Maligne sûrement, fine toujours, son cache-col noué avec élégance. Elle était aérienne et, pourtant, tout en profondeur. « Jane marchant sur la plage, chemise de lin au vent, un crayon piqué dans les cheveux, la simplicité, le dépouillement. Jane chez elle à Paris, sous les sombres tissus imprimés, les tentures, les fanfreluches, les guirlandes, les lustres, les bestioles empaillées, les photos, les bibelots de la mémoire : une Anglaise excentrique », écrit Olivier Rolin, rencontré à Sarajevo en 1995 et qui fut son compagnon, dans une lumineuse préface au livre de photographies publié par Jane Birkin et Gabrielle Crawford, son amie d’enfance, sa « sœur », chez Flammarion (2004).

La vie de Jane, hors « Serge », est une aventure sans rupture – disques, films, théâtre, coups de foudre et coups durs. Sur l’album Enfants d’hiver, la photo de couverture, prise « peut-être par [sa] grand-mère », montre Jane à 12 ans, enfant filiforme, garçonne en ballerines, le regard droit, plantée sur une plage de l’île de Wight – elle y était pensionnaire et, comme elle le raconte dans Jane B. par Agnès V. (1988), on l’appelait par son numéro de chambre : « Ninety-Nine » (99).

Dans le livret, elle avait placé des portraits de famille – sa mère, son frère Andrew, sa sœur cadette Linda. « Andrew est magnifique, il a la tête du metteur en scène qu’il sera, moi de l’actrice, et Linda, qui déjà ne veut s’impliquer dans rien de tout cela ! » En 2004, sa mère glissait lentement vers la mort dans un hôpital britannique, qui, libéralisme oblige, utilisait des cash nurses, des infirmières indépendantes payées à l’heure. Et Birkin s’indignait. Son père s’est éteint quelques jours après Serge Gainsbourg, en 1991.

Dans l’appartement qu’elle occupait, près de la rue de Verneuil, où vivait Serge Gainsbourg, puis dans sa maison proche du Jardin des plantes, elle avait épinglé des pêle-mêle, conservé des œuvres photographiques, un tirage noir et blanc magnifiquement flou de son frère Andrew, dont le fils, Anno Birkin, s’est tué en 2001, à l’âge de 20 ans, dans un accident de voiture. Chez elle, il y avait des tentures rouges, des tissus moirés, des canapés, une profusion de plantes vertes et de loupiotes en terrasse, des objets, des dessins, un capharnaüm cultivé, chic, sincère. Des casseroles en cuivre, de larges fourneaux, parce que Birkin aimait la famille, ses trois filles – Kate (Barry), Charlotte (Gainsbourg), Lou (Doillon). C’était Birkin.

 

Femmes à suivre

 

Linda, la sœur, sculptrice, est si discrète qu’elle refusait de montrer ses œuvres. « Elle les garde pour elle, par exemple ce pique-nique en béton, tout est en béton, les bouteilles de Coca, les verres, tout en béton, c’est formidable ! Tous les détails ! », s’étonnait Jane Birkin, en 2013, alors qu’elle présentait avec Gabrielle Crawford, le recueil de photographies que cette dernière lui avait consacré. Le livre était dédié à Kate Barry, fille de Jane et de John Barry. Kate, photographe, s’était défenestrée le 11 décembre 2013, « le jour même où ce livre partait à l’impression », était-il expliqué sur la page de garde.

Jane Birkin et Gabrielle Lewis (nom de jeune fille de Gabrielle Crawford) figuraient ensemble, sans se connaître, dans le Daily Mail pour une photo de la « classe 64 » : une cinquantaine de femmes « à suivre », parmi lesquelles Nico et Marianne Faithfull… « Six mois après la photo du Daily Mail, j’ai passé une audition pour la comédie musicale Passion Flower Hotel, mise en musique par John Barry, Gabrielle aussi », racontait Jane. Ecartée, Gabrielle devient alors DJ au Pickwick Club, à Londres, dans le West End, une boîte où le Swinging London est en train de s’inventer.

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Source : Le Monde 

 

 

 

 

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