En Côte d’Ivoire, le garba, plat des pauvres, s’embourgeoise

« L’Afrique passe à table » (3). Prisé des étudiants et des ouvriers, ce mets nourrissant a séduit les classes moyenne et supérieure par sa simplicité, son goût et son mélange de textures.

Le Monde – Il faut trois ingrédients pour faire un garba : du thon frit, de l’attiéké et du piment. La boule d’attiéké, à base de semoule de manioc, est servie émiettée, « mouillée » d’une louche d’huile de friture, puis garnie d’un morceau de thon et de piments hachés.

Le vendeur peut ajouter des condiments à la demande : des tomates et des oignons coupés en petits dés, de l’ail, un cube de préparation pour bouillon Maggi à effriter sur le plat, de la mayonnaise… On mange le garba à la main, et plutôt en fin de matinée, car il est le carburant des travailleurs et des étudiants. Nécessairement roboratif – on ne dit pas simplement « un garba », mais plutôt « un bon garba », avec l’emphase sur l’adjectif –, il doit tenir au corps jusqu’à la tombée de la nuit.

Le garba trouve son origine dans les quartiers populaires d’Abidjan, Treichville, Abobo et Adjamé, mais les petits restaurants qui en servent, les « garbadromes », ont essaimé ces dernières années dans toute la métropole et au-delà. Deux légendes s’opposent sur ses origines. La première dit que le plat a été nommé en hommage à Dicoh Garba, ministre de la production animale sous Félix Houphouët-Boigny, qui entreprenait de valoriser la pêche au thon dans les années 1970. L’autre soutient que c’est un immigré nigérien, dénommé Garba, qui a eu le premier l’idée d’associer de l’attiéké bas de gamme à des pièces de thon négligées des poissonniers. Une chose est sûre, c’est bien la communauté nigérienne d’Abidjan qui a popularisé ce plat dans les années 1980, un coup de génie d’autant plus saisissant qu’il n’y a ni mer ni cultures de manioc au Niger.

 

Cauchemar des nutritionnistes

 

Les garbadromes étaient initialement concentrés autour des résidences universitaires, où ils servaient des populations d’étudiants au faible pouvoir d’achat, avant d’étendre leur clientèle aux travailleurs. On a vu ensuite de jeunes Ivoiriens ouvrir des garbadromes estampillés « choco », soit « classe », avec la promesse de normes d’hygiène plus strictes. Car le plat a une image ambivalente. Les Ivoiriens l’aiment pour sa simplicité et son goût, le croustillant du poisson frit associé au moelleux de l’attiéké, le gras de l’huile de palme et le sel du cube Maggi – il faut bien le reconnaître, le garba est le cauchemar des nutritionnistes. Mais ils savent aussi qu’il se prépare dans des conditions peu hygiéniques, avec du poisson manipulé à main nue, des ustensiles pas toujours très propres et une huile de friture réutilisée jusqu’à devenir noire.

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(Abidjan, correspondance)

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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