Les afro-descendants s’imposent enfin dans le cinéma français

Par leur nombre et par la diversité des genres cinématographiques qu’ils abordent, les réalisateurs et réalisatrices afro-descendants connaissent enfin « leur moment », une efflorescence aussi politique qu’esthétique.

Le Monde – Mercredi 5 juillet, un documentaire intitulé Au cimetière de la pellicule sort dans les salles françaises. Son jeune auteur, le Guinéen Thierno Souleymane Diallo, feignant d’ignorer que l’œuvre est perdue, part en quête de ce premier film signé par un Africain francophone – Mouramani légende noire (1953), de son compatriote Mamadou Touré – depuis la Guinée jusqu’à Paris, où il fut tourné. Il n’y a pas si longtemps, cette œuvre fantôme balançant entre l’Afrique et la France aurait pu constituer une juste métaphore de la présence noire dans le cinéma français. Ce n’est plus le cas.

L’efflorescence d’un cinéma réalisé et interprété par une nouvelle génération d’afro-descendants est aujourd’hui un phénomène d’autant plus remarquable que la qualité esthétique ainsi que la diversité des registres et des genres le caractérisent. Contrairement aux artistes issus de l’immigration maghrébine, qui ont réussi à imposer une présence de plus en plus irréfragable dans le cinéma français à compter des années 1980, la représentation artistique des Français afro-descendants, derrière ou devant la caméra, aura donc beaucoup tardé à s’imposer. Il appartiendrait sans doute à un sociologue, davantage qu’à un critique de cinéma, d’en dire la raison.

En tout état de cause, il faut rappeler que des tentatives, et non des moindres, eurent lieu en leur temps. Principalement celles de Med Hondo et d’Euzhan Palcy. Le premier, né en 1936 en Mauritanie, s’installe en France en 1958, y demeure jusqu’à sa mort en 2019. Il signe une œuvre hantée par le colonialisme, hyperinventive, engagée, brechtienne, farcesque, lyrique, impitoyable. Trois de ses films – Soleil O (1970), West Indies ou les nègres marrons de la liberté (1979) et Sarraounia (1986) – ressortent aujourd’hui, restaurés et réédités dans un coffret vidéo par Ciné-Archives. Il est loisible de mettre la main dessus.

La Martiniquaise Euzhan Palcy, d’un tempérament moins aventureux, réalise quant à elle son premier film, Rue Cases-Nègres, en 1983. C’est le roman de formation d’un enfant pauvre et racisé de la Martinique qui s’élève par le savoir. Le film est un tel succès que Hollywood tend les bras à la réalisatrice. Elle y fera carrière, plutôt qu’en France, récompensée d’un Oscar d’honneur en 2022.

Signe indubitable de vitalité

La mémoire de ces deux pionniers glisse donc rapidement dans les oubliettes cinématographiques. Il faut attendre les années 2010 pour que des cinéastes et des acteurs noirs, en nombre suffisant si ce n’est nécessaire, crèvent enfin l’écran où leur invisibilité jusqu’alors brillait.

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Source : Le Monde (Le 03 juillet 2023)

 

 

 

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