Camara Laye, l’éternel enfant noir / Par Tijane BAL

Le postier se remémore encore un Mongo Béti hilare d’apprendre que Mission terminée ou Ville cruelle étaient systématiquement accolés par le futur métaversien à son nom comme si ces titres de romans en étaient devenus partie intégrante. L’écrivain était également amusé de «découvrir» qu’à à l’épreuve de dictée, des extraits de ses textes en ont fait transpirer plus d’un. Dont son interlocuteur du moment.

Ma foi, quel meilleur hommage ! avait répondu celui qui signa Ville cruelle du nom d’Eza Boto. En réalité, tant Eza Boto que Mongo Béti étaient des pseudonymes. Ceux d’Alexandre Biyidi, le vrai nom du romancier et par ailleurs pamphlétaire comme l’illustre Main basse sur le Cameroun, ouvrage miroir de Main basse sur l’Afrique de Jean Ziegler.

Le regretté Bernard Dadié était également présent au même festival littéraire. Lui était à jamais Climbié au même titre que Camara Laye était L’enfant noir… Camara Laye justement !

Le Guinéen a été récemment salué sur les réseaux sociaux sous le titre mérité mais sans nuance de «pionnier de la littérature africaine». Camara Laye fut sans conteste un pionnier de la littérature africaine mais il le fut à côté d’autres et après d’autres. Ne serait-ce qu’en raison de son âge. Né en 1928, il était par exemple plus jeune que Bernard Dadié né en 1916.

Camara Laye jouissait d’un avantage et d’un capital sympathie. Il était associé à l’enfance et à l’adolescence. Sa popularité de ce fait eut cependant un contrepoint : l’écrivain fut critiqué notamment pour avoir dépeint une Afrique sans aspérités, du moins idéologiques et/ou politiques, en comparaison d’œuvres postérieures plus engagées (Les soleils des indépendances d’Amadou Kourouma) ou à tout le moins à thèmes (Sous l’orage de Seydou Badian Kouyaté ou encore Le devoir de violence de Yambo Ouologuem)…

Le procès en naturalisme et en naïveté intenté contre lui fut jugé injuste voire intolérant par certains en raison de l’âge de l’auteur au moment de la publication de son œuvre. Mais pas seulement. L’Enfant noir est paru en 1953. Camara Laye était âgé de 25 ans.

Peut-être les critiques auraient-ils dû considérer la recommandation de l’historien Michel Pastoureau, auteur de « près de près de 75 ouvrages, traduits dans une trentaine de langues » dont le premier, publié à l’âge de 29 ans : « Un lecteur devrait toujours connaître l’âge qu’avait l’auteur lorsqu’il a écrit le livre qu’il est en train de lire. Il serait peut-être plus indulgent». Soyons indulgents avec Camara Laye. Cela nous éviterait de regarder « le passé aux yeux du présent» et nous aiderait ce faisant à réaliser une « mise en ordre du temps»

Tijane BAL pour Kassataya.com

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