Éduquer sans sanctionner ? Les malentendus de l’éducation positive

The Conversation – Comment réagir face aux caprices et aux actes de désobéissance d’un jeune enfant ? L’envoyer dans sa chambre pour le punir, est-ce être trop strict ou cela revient-il à lui fixer des limites nécessaires ? En ce printemps 2023, psychologues et familles se divisent de nouveau sur ces questions, ravivant le débat autour d’une éducation sans contrainte et sans sanction, ou « positive » – un idéal qui pourrait recouvrir de douces et dangereuses illusions.

Nul ne contestera qu’il fallait débarrasser le processus éducatif de toute violence physique et psychologique. La brutalité éducative des siècles passés fait froid dans le dos. De la férule au bonnet d’âne, du pensum au cachot, la liste des pratiques punitives déployées est terrible et presque infinie, comme l’a montré le Dictionnaire du fouet et de la fessée récemment publié aux Presses universitaires de France. Le monde de la littérature n’a pas manqué de se faire l’écho de ces dérives. Pensons à Balzac dans Louis Lambert, à Jules Vallès dans L’Enfant ou encore à Paul Verlaine dans Mes prisons.

Cependant, bannir toute forme de violence ne revient pas à condamner l’autorité. La contrainte a ses vertus, la sanction aussi. Il est étonnant dans ce débat de voir comment l’histoire éducative est souvent falsifiée, voire tout simplement oubliée.

L’école sans contrainte : l’échec d’une utopie

Rappelons qu’une école sans contrainte et sans sanction a déjà existé, à travers l’expérience des maîtres-camarades de Hambourg, dans les années 1920. « Dès les premiers jours, les maîtres annoncèrent à leurs élèves qu’il n’existait plus de punition ni de sanction, qu’il ne serait plus question d’interdiction ou d’un règlement quelconque qui pourrait les gêner dans leur usage de leur pleine liberté », écrit Jakob Robert Schmid qui rapporte cette étonnante expérience dans Le maître-camarade et la pédagogie libertaire.

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Les maîtres de Hambourg pensaient que seule la liberté, entendue comme absence de contrainte, pouvait faire émerger les trésors de l’enfance. Les maîtres ne voulaient plus être des maîtres : « Nous voulons enfin commencer à vivre fraternellement avec les enfants de l’école : nous voulons vivre avec eux en vrais camarades. »

Lithographie d’Honoré Daumier où un élève prend la place du maître d’école
« Attends… j’te vas en donner… du maitre d’école », Honoré Daumier, lithographie, 1846. National Gallery of Art, CC0, via Wikimedia

Cette expérience a incarné dans sa forme la plus radicale l’utopie d’un espace éducatif expurgé de toute forme de contrainte. Celle-ci s’est terminée par un retentissant échec, d’autant plus amer que, pendant plus de dix ans, ces maîtres novateurs ont fait preuve d’un enthousiasme peu commun. Zeidler, un des inspirateurs, dut reconnaître non sans tristesse que

« partout où l’on se laissa guider par une confiance sans bornes dans le tact des enfants, dans leur force de volonté, dans leur persévérance, dans la sûreté de leur instinct et dans la tolérance des individus à former une communauté […], on vit se former des bandes d’indisciplinés ».

Ne nous trompons pas, l’enfant a besoin d’être guidé et parfois contraint. Freud le dit, on ne peut plus clairement, dans ses Nouvelles conférences : « Lui donner la liberté de suivre toutes ses impulsions est impossible. Ce serait une expérience très instructive pour les psychologues, mais les parents n’y pourraient pas tenir et les enfants eux-mêmes subiraient de graves dommages ». Le travail éducatif appelle surtout à encourager, soutenir, valoriser, mais il ne peut se passer d’interdiction.

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Source : The Conversation (Le 04 mai 2023)

 

 

 

 

Suggestion kassataya.com :

Caroline Goldman, psychologue : « J’ai vu arriver dans mon cabinet des parents sains et structurés, victimes de désinformation sur la parentalité positive »

« Le recours à une éducation répressive est défavorable au développement de l’enfant »

 

 

 

 

 

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