Au Nigeria, l’exode des médecins vers l’Occident

Une proposition de loi visant à retenir les jeunes praticiens au moins cinq ans dans le pays provoque une fronde de la profession. Mais le malaise est réel.

Le Monde  –  Soyinka, qui effectue une partie de son stage de fin d’études à l’hôpital régional d’Abeokuta, n’a plus qu’une idée en tête : partir. « J’ai pris cette décision pendant une énième grève de l’université » , soupire l’étudiante en médecine de 25 ans. Pour quitter le Nigeria et travailler en Grande-Bretagne, elle devra passer un examen d’équivalence. « Ce n’était pas du tout mon projet à la base, précise-t-elle. J’avais peur d’être victime de racisme ou d’être considérée comme une citoyenne de seconde zone en EuropeMais au bout d’un moment, j’ai compris que c’était la meilleure solution pour m’assurer un avenir. »

Poussés à l’exil par une économie à la dérive – l’inflation a dépassé les 22 % en mars au Nigeria –, l’insécurité généralisée, les infrastructures défaillantes et des salaires trop bas, entre 100 et 200 médecins quittent le pays chaque mois. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a émis une alerte en mars sur le nombre de travailleurs médicaux disponibles au Nigeria. Pour tenter de les retenir, un député a déposé début avril une proposition de loi qui les forcerait à pratiquer pendant cinq ans au Nigeria avant d’obtenir leur diplôme.

Alors que l’OMS recommande un ratio d’un médecin pour 600 patients, le pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 216 millions d’habitants) en compte seulement un pour 10 000 patients, officiellement. Mais la crise pourrait être bien plus grave selon le président de l’Association nigériane des médecins résidents (NARD), qui avance plutôt le chiffre d’un médecin pour 30 000 patients. « C’est un énorme déficit. Il faut parfois attendre des jours pour voir quelqu’un lorsqu’on est malade. Cette situation retarde évidemment les traitements et accroît les tensions à l’hôpital », s’alarme le docteur Emeka Orji.

Dans les établissements publics comme privés

 

Pourtant, ce dernier juge la proposition de loi « contre la fuite des cerveaux », « draconienne et impossible à mettre en œuvre » et demande son retrait immédiatLui préférerait que le « problème soit traité à la source », avec l’amélioration des conditions de travail et des salaires pour les personnels de santé au Nigeria. Dans le pays, les médecins ne bénéficient pas d’assurance ou d’autres avantages liés aux risques professionnels, accrus par le manque d’équipements de protection dans les hôpitaux publics. Mais les désertions sont tout aussi élevées dans les établissements privés où les salaires ne sont souvent guère meilleurs.

« Nous avons perdu énormément de membres au pic de la pandémie de Covid-19 et encore plus parmi les médecins au contact de patients infectés par la fièvre de Lassa. Mais il n’y a eu aucune compensation pour les familles », se remémore Okhuaihesuyi Uyilawa, qui était président de la NARD en 2020.

Lire la suite

 

 

 

 

(Lagos, correspondance)

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page