Le photographe Adama Sylla, « capteur de magie » sénégalais

Jeune Afrique – Figure de la photographie africaine, Adama Sylla est exposé pour la première fois à Paris, à la galerie Talmart, jusqu’au 22 avril. L’écrivain Elgas se remémore pour l’occasion la grande époque des studios photo, dans lesquels le doyen autodidacte a appris le métier.

Dégrisement, Younes Baba-Ali. © Adama Sylla/courtesy galerie Talmart.

 

Jusqu’au début des années 2000, les studios photo étaient au Sénégal plus qu’une simple tradition. C’était un lieu de pèlerinage couru. Les conditions pour faire partie des heureux élus étaient plutôt démocratiques. Il fallait, que l’on soit femme, homme ou enfant, être juste bien mis, endimanché, solennel, avoir l’air seigneurial, ambassadeur, disons, de ce culte de l’élégance que la réputation attribue généreusement aux Sénégalais.

Les jours de fêtes (baptêmes, mariages, tabaski, korité…), le défilé des froufrous soignés s’achevait ainsi immanquablement dans un studio photo. Il fallait consigner l’esthétique nationale, l’archiver, en tirer quelques trésors pour les pèlerins.

On pénétrait alors dans ces antres souvent exigus, modestement décorés, pour la grande confession picturale. On en sortait impatient de tenir enfin les portraits que l’on s’empresserait de glisser dans des albums, eux-mêmes prochainement présentés à la contemplation aux visiteurs des demeures familiales. Le studio était le sanctuaire le plus important de ce trajet auquel il offrait une mémoire. La photographie n’était pas une science, une technique, une affaire trop sophistiquée.

 

Deux Sénégalaises élégamment vêtues. © Adama Sylla/courtesy galerie Talmart.
Deux Sénégalaises élégamment vêtues. © Adama Sylla/courtesy galerie Talmart.

Un pays confessé à travers un regard

 

Pour beaucoup de photographes de ces époques qui paraissent si obscures et que nos joyeuses nostalgies ont tendance à embellir, tout s’apprenait sur le tas, à la force du poignet, de la témérité, dans la rusticité et la chaleur commune des épopées quotidiennes, avec auxiliaires, cobayes, assistants, qui formaient tous la famille du studio. Le photographe était comme le curé, l’imam, le maître d’école, il était un repère à peu de frais, avec une fonction sociale régulatrice. Le cliché ne devait être rien d’autre que la restitution de l’instant, qu’elle étirait tantôt en éternité, tantôt en spectacle fascinant qui fige le regard.

En somme, une grammaire des émotions qui captait le fugace, ajoutait l’insolite, sublimait le rien, ennoblissait le cocasse, confessait un pays à travers un regard, une tenue, une rue, un bout de terre, une association d’éléments. Et pour chapeauter le tout :  la patte du photographe, ses obsessions, ses détails, s’épanouissant dans un regard attentif et créatif qui tord la magie du réel pour l’augmenter avec le talent de ne jamais révéler les secrets de l’ouvrage.

 

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Elgas

Ecrivain et docteur en sociologie

Source : Jeune Afrique

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