Guerre en Ukraine : l’Afrique non-alignée au cœur des luttes d’influence

Un an après avoir voté en ordre dispersé à l’ONU, les Etats du continent évitent de prendre parti, se positionnant vis-à-vis des deux camps comme des partenaires diplomatiques à convaincre et séduire.

 Le Monde – La scène est révélatrice du malaise qui existe entre l’Afrique et l’Europe sur le dossier ukrainien. Le 13 janvier, Catherine Colonna est en déplacement au siège de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba. A ses côtés, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, écoute la ministre française des affaires étrangères déclarer, lors d’une conférence de presse : « Il est important que nous tous, nous disions à l’agresseur [russe] qu’il doit cesser son agression [en Ukraine]. A ce titre, nous avons des attentes à l’égard de nos amis africains. »

Moussa Faki Mahamat évite soigneusement d’abonder dans son sens et préfère rappeler que « les conséquences de la guerre sur la sécurité alimentaire et sur les sources d’approvisionnement d’énergie » restent les priorités du continent africain. Les mêmes inquiétudes l’avaient poussé à se rendre en juin à Sotchi, en Russie, pour s’entretenir avec Vladimir Poutine au sujet du blocus de la mer Noire et de la pénurie de céréales qui frappait l’Afrique.

Avec le président sénégalais, Macky Sall, alors président en exercice de l’UA, ils y avaient critiqué les sanctions occidentales contre la Russie. Les deux hommes, qui ne s’étaient pas rendus à Kiev dans la foulée, avaient été considérés comme les tenants d’une ligne pro-russe par les Occidentaux, impliquant l’institution panafricaine. Lorsqu’il avait été invité à s’exprimer devant un groupe de dirigeants du continent, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’avait eu le droit qu’à un court échange, en visioconférence et à huis clos, pour y présenter sa vision du conflit.

 

Lors du premier vote, en mars 2022, sur les résolutions appelant la Russie à mettre fin à son invasion, l’Afrique a voté en ordre dispersé aux Nations unies. Si la majorité des pays africains se sont rangés du côté de l’Ukraine (28 sur 54), un tiers d’entre eux se sont abstenus. Huit pays étant absents, seule l’Erythrée a voté contre cette résolution. Près d’un an plus tard, la majorité des pays africains continuent d’adopter une position de non-alignement, à l’instar de l’UA. Quelques Etats (le Soudan, l’Erythrée, le Mali) soutiennent clairement l’intervention de Moscou en raison de leurs propres liens avec la Russie.

 

Le jeu d’équilibriste de l’Union africaine

 

« D’abord, il n’est pas anormal que les pays du continent aient des positions différentes sur la crise, car ils n’ont pas tous les mêmes intérêts, souligne Andrews Atta-Asamoah, directeur du département paix et sécurité de l’Institut d’études de sécurité (ISS Africa). Ensuite, on observe la montée d’une frustration des gouvernements africains face aux pressions diplomatiques occidentales. »

En témoigne l’exaspération non dissimulée de la ministre sud-africaine des affaires étrangères, Naledi Pandor, devant un Antony Blinken médusé lors d’une visite du secrétaire d’Etat américain en août. « Nous sommes des Etats souverains et s’il y a bien une chose que je déteste, c’est qu’on me dise ce que mon pays doit faire », avait-elle asséné. Concrètement, Naledi Pandor s’opposait à un projet de loi américain, baptisé « Lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique » et adopté par la Chambre des représentants en mai, qui prévoit de « tenir pour responsables » les gouvernements africains qui se rendraient « complices » des activités de Moscou sur le continent.

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(Nairobi, correspondance)

Source : Le Monde – (Le 22 février 2023)

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