Marvin Gaye, abattu par son père dans un ultime geste destructeur

Il n'y a pas beaucoup de musiciens qui représentent aussi bien la soul music que Marvin Gaye. Le 1er avril 1984, le chanteur était abattu dans la maison familiale par celui qu'il a toujours détesté aimer.

Slate  – Il est un peu plus de 12h30. Frankie Gay et sa femme Irene ont bien entendu des coups de feu. Mais ce sont des cris qui les alertent sur la gravité de la situation. Ils sortent de leur petite maison et voient la mère de Frankie, Alberta, se précipiter vers eux en état de choc. Elle s’écroule dans leurs bras et a tout juste le temps de leur dire que son autre fils, Marvin, s’est fait tirer dessus par son père, Marvin Gay Sr., avant de s’évanouir.

 

Frankie court vers la maison voisine, croise son père assis calmement sur le perron, plonge dans l’obscurité de l’intérieur et monte à l’étage. Dans une chambre, il trouve Marvin allongé sur le sol, la poitrine en sang, encore capable de lui parler. Frankie se précipite près de lui, lui prodigue des premiers soins rudimentaires, et entend son frère lui dire: «J’ai eu ce que je voulais. Je n’étais pas capable de le faire moi-même, alors je l’ai obligé à le faire.»

Les secours ont été prévenus par des voisins. Lorsqu’ils arrivent à la maison familiale située au 2101 South Gramercy Place, dans le quartier de West Adams à Los Angeles, Marvin, monstre sacré de la soul, star du genre et du label Motown, est en mauvais état. Il sera déclaré mort au California Hospital Medical Center à 13h. Son père est quant à lui embarqué sans heurt par les autorités.

 

Un gilet pare-balles sur scène

 

Marvin Gaye est mort à l’âge de 44 ans ce 1er avril 1984, tué par son géniteur. Personnalité tourmentée empreinte de violence, crooner noir et voix sidérante, producteur et arrangeur génial, il est notamment connu pour ses albums What’s Going On (1971), Let’s Get It On (1973), ou encore I Want You (1976), ainsi que pour des singles en pagaille comme «Ain’t No Moutain High Enough» (1967) ou «I Heard It Through The Grapevine» (1968).

 

Il y en a bien d’autres. Mais ces exemples suffisent à illustrer le statut et la stature du chanteur. Au crépuscule de sa vie, pourtant, il a perdu de sa superbe. Depuis le milieu des années 1970, Marvin Gaye cumule addiction à la cocaïne, problèmes financiers et accès de colère destructeurs.

Sa santé mentale décline, en rien arrangée par sa relation à son père, Marvin Gay Sr. Un pasteur de l’Église pentecôtiste prétendant posséder des dons de guérisseur, d’une grande violence envers ses enfants, capable de les terroriser puis de les tabasser avec une ceinture, adepte d’un code moral strict qu’il n’applique qu’aux autres.

Marvin Gaye dira d’ailleurs que vivre avec son père était comme «vivre avec le Tout-Puissant». La virulence des relations entre les deux hommes, envenimée par la jalousie qu’éprouve le père pour le talent, puis le succès de son fils, est immense.

 

L’addiction de Marvin Gaye n’est un secret pour personne. Déjà, en 1981, il était parti se mettre au vert à Ostende, en Belgique, où il avait vécu pendant dix-huit mois. Alternant entre les moments d’abstinence et d’autres où sa consommation dépassait parfois l’entendement, il était cependant parvenu à redresser un temps la barre et à revenir avec un nouvel album, Midnight Love, emmené par son plus gros succès commercial, le single «Sexual Healing».

 

Problème pour le chanteur: il faut repartir en tournée. En 1983, il achève le «Sexual Healing Tour», durant lequel il a sévèrement relancé sa consommation de cocaïne, au point de monter parfois sur scène avec un gilet pare-balles, persuadé, paranoïaque, que quelqu’un en veut à sa vie. Il termine cette tournée dans un état physique et psychique déplorable. Et les difficultés ne vont aller qu’en s’accumulant.

Une violence extrême

 

En août 1983, Marvin Gaye décide d’aller habiter à Los Angeles, dans la maison qu’il a offerte à ses parents et où résident alors deux de ses sœurs ainsi que sa mère, qui se remet d’une opération chirurgicale. Il emménage donc au 2101 South Gramercy Place pour tenter de remonter la pente, peut-être. Mais rien n’y fait.

Comme le raconte l’auteur Frédéric Adrian dans sa biographie, Marvin Gaye, il a bien quelques ébauches de chansons en stock, mais la musique ne semble pas être un projet immédiat. Lorsqu’il demande au chanteur Barry White de lui composer des morceaux et que celui-ci, honoré, s’exécute, il ne prend pas la peine d’aller les écouter. Il n’est pas en état de faire grand-chose.

Même la pression mise par le label Columbia, qui lui rappelle qu’il a signé un contrat l’obligeant à fournir un album tous les neuf mois, n’y change rien. Il doit 300.000 dollars de pensions alimentaires à ses anciennes compagnes, de l’argent au fisc, est au bord de la banqueroute, rattrapé par de sombres histoires de violences conjugales. Car si Marvin Gaye aimait chanter son amour pour les femmes, il était également un homme violent. Il a une relation avec une certaine Deborah Derrick, avec qui les disputes prennent régulièrement des tournures colériques et physiques.

 

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Brice Miclet — Édité par Émile Vaizand

Source : Slate (France)

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