Aux États-Unis, la police tue plus de trois personnes par jour

Selon l'association Mapping Police Violence, 1.176 décès ont été recensés en 2022, deux ans après les manifestations ayant suivi la mort de George Floyd. Un chiffre particulièrement élevé, malgré quelques progrès dans les villes les plus progressistes du pays.

Slate – L’année 2022 a été celle où la police américaine a tué le plus de monde depuis au moins dix ans : 1.176 décès ont été recensés selon le rapport de l’association américaine Mapping Police Violence, qui recense et cartographie les violences policières à partir de rapports, d’articles et des chiffres d’ONG. Soit plus de trois morts par jour. Du jamais-vu, selon l’association créée en 2015.

Samuel Sinyangwe, le fondateur de Mapping Police Violence, affirme néanmoins que cette hausse n’a pas été une grande surprise, précisant que «les recherches [de l’association] suggèrent que la dernière décennie a eu le taux de violences policières fatales le plus haut depuis au moins quarante ou cinquante ans».

Beaucoup de victimes, mais peu de criminels violents

L’une des principales conclusions de ces chiffres est qu’il n’y a pas de corrélation entre les crimes violents et le nombre de décès causés par la police. «Seulement un tiers des personnes tuées étaient en train de commettre ou avaient commis un crime violent. Dans le reste des cas, les personnes étaient impliquées dans des délits ou des crimes non violents, ou n’étaient d’ailleurs même pas soupçonnées de crime du tout. Un tiers étaient en train de s’enfuir quand elles ont été tuées.»

La plupart des interventions ayant causé des morts étaient ainsi «des contrôles routiers, des interventions à la suite d’épisodes de troubles mentaux, pour des troubles domestiques ou à l’ordre publique et dans des situations où aucun crime n’avait été reporté».

Pas de lien non plus entre le taux de criminalité dans une certaine zone géographique et le nombre de morts imputés à la police. Des villes avec un taux de criminalité similaire peuvent ainsi avoir des taux de violences policières très différent. Exemple: Samuel Sinyangwe, qui vit à Orlando (Floride), estime que «ce n’est pas du tout la pire ville en matière de crimes ou d’homicides». Pourtant, la police y tue en moyenne 7,5 personnes par an, ce qui place la ville à la douzième place dans un classement incluant les cinquante plus grandes villes américaines.

Pour le fondateur de Mapping Police Violence, «il y a donc un autre facteur qui détermine comment la police réagit. Pourquoi, dans la même situation, certains départements de police vont répondre par la violence et d’autres non.» Il évoque une piste: les différences de politiques vis-à-vis de la police selon les États et les villes.

La situation empire dans les villes les plus conservatrices

L’analyse des effets, sur les statistiques de 2022, des différentes mesures récemment adoptées concernant les violences policières tend à lui donner raison. Après les manifestations du mouvement Black Lives Matter en 2020, beaucoup voulaient réduire les effectifs de la police et rediriger les fonds vers d’autres dépenses. Depuis, Samuel Sinyangwe a relevé qu’«il y a eu des progrès vis-à-vis des violences policières dans les villes progressistes qui sont allées dans cette direction. Mais en contrepartie, les chiffres ont empiré dans les zones les plus conservatrices du pays.»

Ainsi, le nombre de personnes tuées par la police en zone urbaine, plus progressive, a baissé en 2022. A contrario, le nombre de morts dans les zones rurales et plus conservatrices, avec des départements de shérifs de comtés, est à son plus haut niveau jamais enregistré. L’expert observe notamment que «les départements de shérifs de comtés représentaient 36% de toutes les morts causées par la police en 2022. Il y a dix ans, ils ne représentaient que 25% des cas. Et la hausse a été graduelle, donc c’est possible qu’elle continue durant les années qui suivent.»

Les Afro-Américains et les hispaniques plus souvent visés

Non seulement le taux de violences policières mortelles varie grandement d’une zone géographique à une autre, mais il diffère aussi selon l’origine des victimes.

Ainsi, les personnes de la communauté afro-américaine ou latino sont beaucoup plus souvent tuées par la police que les personnes blanches: en 2022, 24% des personnes tuées par la police étaient noires, alors que les Afro-Américains ne représentent que 13% de la population du pays. Une personne noire a ainsi trois fois plus de risques de se faire tuer par la police qu’une personne blanche. Celles d’origine hispanique, elles, ont deux fois plus de risques que les Blancs d’y passer.

«Si quelqu’un est sans domicile, il n’a pas besoin d’aller en prison, il a besoin d’aide pour se loger. Si quelqu’un est accro à une substance, d’un accompagnement toxicologique.»

Samuel Sinyangwe, fondateur de Mapping Police Violence

«Ce constat est valide dans tout le pays, insiste Samuel Sinyangwe. Les personnes noires ne sont pas les plus tuées dans seulement deux des cinquante plus grosses villes américaines [Los Angeles et Houston, ndlr]. Et dans ces villes, ce sont les personnes d’origine hispanique qui sont le plus souvent victimes de violences policières mortelles.»

Des alternatives à la police

Pour ce qui est des solutions possibles face à cette violence policière sans précédent, le fondateur de Mapping Police Violence pense qu’il y a deux principaux axes à explorer.

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Sarah Laurent — Édité par Natacha Zimmermann

 

 

 

Source : Slate (France) – Le 12 janvier 2023

 

 

 

 

 

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