In Memoriam : Ainsi a vécu Olivier Philip, un homme juste

Olivier Philip, résistant, haut fonctionnaire français et ami des causes justes –dont celles des Mauritaniens- vient de s’éteindre à Lyon. Photo A. Diagana, Lyon, 22 mars 2004.Olivier Philip, résistant, haut fonctionnaire français et ami des causes justes –dont celles des Mauritaniens- vient de s’éteindre à Lyon. Malgré les hautes fonctions qu’il a occupées au sein de l’administration française, M. Olivier Philip était un homme discret.

Cher ami,

Cette mort que vous ne cessiez d’évoquer depuis quelques années est donc arrivée, vous permettant de rejoindre votre tendre Jeanine. Pour ma part, elle me sépare d’un ami, d’un père, d’un grand-père qui fit siennes ces paroles d’adieu prononcées par le chambellan Polonius à son fils Laertes : « Quand tu as adopté et éprouvé un ami, accroche-le à ton âme avec un crampon d’acier ; mais ne durcis pas ta main au contact du premier camarade frais éclos que tu dénicheras. Garde-toi d’entrer dans une querelle ; mais une fois dedans, comporte-toi de manière que l’adversaire se garde de toi… Avant tout, sois loyal envers toi-même ; et aussi infailliblement que la nuit suit le jour, tu ne pourras être déloyal envers personne. » Shakespeare, Hamlet Acte I, Scène IV.

J’ai fait votre connaissance il y a de cela 20 ans. 20 ans durant lesquels vous épouserez le combat qui est le mien. 20 ans durant lesquels vous guiderez mes pas : sens de l’Etat, sens du devoir, SERVIR. Vous me racontiez comment vous aviez géré telle ou telle affaire au cabinet de Pompidou, de Maurice Herzog ou comme préfet. Après les bons et loyaux services que vous avez rendus à la France, vous auriez pu prétendre à une retraite bien méritée. Vous m’avez adopté et solidement accroché à votre âme avec un crampon d’acier. Et quand vous avez soutenu mon combat contre les injustices en Mauritanie, vous ne l’avez pas fait à moitié.

Olivier Philip et Abdoulaye Diagana. Paris, le 10 mars 2009

Tout le long des décennies 1990 et 2000, vous avez discrètement accompagné le combat des Mauritaniens pour mettre fin à l’implacable chape de plomb qu’une dictature sanguinaire maintenait au dessus de leurs têtes. En de nombreuses occasions, vous avez fait parvenir à qui de droit, des rapports, des notes de synthèse et des plaidoyers au sujet des abus dont les Mauritaniens étaient victimes. Ministres, parlementaires, conseillers élyséens, cabinets, ONG, associations, services gouvernementaux, institutions internationales… ont régulièrement été sensibilisés à la question des crimes commis entre 1989 et 1991 grâce à vos démarches. Idem pour la question de l’esclavage que vous compariez souvent à celui du Soudan dont vous vous occupiez de près. « C’est un problème difficile à résoudre, disiez-vous au sujet de l’esclavage au Soudan. Les milices armées viennent dans les campements désertés par les hommes qui n’ont pas d’armes pour se défendre. Elles y trouvent les femmes et les enfants sans défense et les amènent avec elles. Certaines organisations rachètent les esclaves pour les libérer mais c’est un cercle vicieux parce que cela alimente le trafic. »

A la tête de la Fondation de France vous avez accompagné beaucoup de projets de développement en Mauritanie.

Vous le faisiez en toute discrétion parce que d’une part, vous ne vouliez en retirer aucune gloire, aucune publicité mais aussi parce que vous teniez à ne pas humilier, à ne pas vous poser en donneur de leçon, en redresseur de torts détenteur de la lumière face à des barbares. Vous le faisiez parce que vous pensiez devoir le faire. En authentique protestant ! Austère.

En 2004, des prisonniers Mauritaniens dont le commandant Salah Ould Hanane et le capitaine Abderrahmane Ould Minnih étaient condamnés à mort pour avoir tenté de renverser un dictateur. Quand je vous ai saisi, vous avez mobilisé vos réseaux pour sauver des vies. Ce n’était pas facile. Les parlementaires que nous rencontrions voyaient d’un œil méfiant cette démarche qui mettait en scène des républicains et des démocrates pour défendre les auteurs d’une tentative de coup d’Etat. D’autres craignaient, à juste raison, de braquer un pays jaloux de son indépendance.

Aux premiers, comme le président du groupe d’amitié France-Mauritanie à l’Assemblée Nationale d’alors, j’expliquais, en compagnie de Moustapha Diop, ancien ministre et Mohamed Ali Ould Louly de l’Organisation Mauritanienne des Droits de l’Homme, que notre démarche n’était pas un soutien à des putschistes mais juste une volonté d’éviter l’exécution des peines capitales. De votre côté, vous faisiez intervenir à travers les médias M. Robert Badinter champion de l’abolition de la peine de mort.

Aux seconds, dont Edouard Balladur, alors président de la commission des affaires étrangères, vous parveniez à suggérer l’idée de passer par des puissances plus neutres (Allemagne, Espagne, Italie, Hollande…) pour ramener le régime à de meilleurs sentiments. D’autres actions ont certainement été conduites par d’autres intervenants. Mais le résultat fut qu’aucune exécution n’eut lieu.

Que dire, par ailleurs, des nombreux cas individuels désespérés que vous avez réussi à régler en me demandant chaque fois de ne pas attendre que les choses se compliquent pour vous les soumettre ?

Cannes, le 9 juillet 2009. J'ai tant appris auprès de lui!

Pour ma part, je me réjouis d’avoir croisé votre route. Je ne saurais trouver les mots pour vous dire combien vous m’avez apporté, aidé à me familiariser avec tant de choses. Amitié et Fidélité. C’est ainsi que vous aviez l’habitude de signer les cartes que vous m’adressiez. La dernière date d’il y a quelques jours, quand vous avez reçu le tableau d’art mauritanien que je vous avez envoyé. Ce sont les mêmes mots que vous aviez choisi pour me faire la dédicace de votre livre autobiographique, La plus belle des vies, tiré en série limitée pour la famille. Famille dans laquelle vous m’avez admis.

Cher ami, j’aurais tant aimé vous revoir une dernière fois à Lyon ou à Paris comme on se l’était promis il y a peu. Et vous permettre de revoir une dernière fois le petit Tijane Olivier Philip Diagana dont vous ne cessiez de demander des nouvelles et avec qui vous demandiez à parler chaque fois qu’on s’appelait. Je vous ai croisé. Vous m’avez marqué à tout jamais. Vous avez été loyal et fidèle envers vous-même et envers moi. Vous étiez tout simplement un homme bien. Juste. Raffiné. Humain quoi !

Adieu

Par Abdoulaye DIAGANA pour www.kassataya.com

 

Les témoignages après le décès de M. Philip

Témoigne de M. Thierry Philip, Maire du 3ème arrondissement de Lyon

Hommage de France 3 Rhône-Alpes

Hommage du quotidien lyonnais Le Progrès

Témoignage de M. Gérard Colomb, Maire de Lyon

Dans Lyoncapitale

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Olivier Philip d’après sa page wikipédia

Olivier, André Philip est un préfet (E.R.) français né à New York (États-Unis) le 31 août 1925 et décédé le 17 mars 2013. Il fut préfet de Paris de 1984 à 1991.

Issu d’une famille protestante (huguenots exilés en Écosse), fils du ministre, député (SFIO) du Rhône, et professeur de Droit André Philip (19021970) et frère du professeur de Droit Loïc Philip (1932– ). Il s’est marié le 8 août 1947 avec Jeanine Wertheimer, médecin anesthésiste, ancien interne des hôpitaux de Lyon, fille du chirurgien Pierre Wertheimer (18921982), fondateur de l’école de neurochirurgie de Lyon. De cette union sont nés cinq enfants : Christian Philip (1948– ), ancien député (UMP) du Rhône, représentant personnel du président de la République Nicolas Sarkozy pour la Francophonie et professeur de Droit, Thierry Philip (1949– ), vice-président (PS) du conseil régional de Rhône-Alpes, maire du IIIème arrondissement de Lyon et professeur en Oncologie, Annick, Guy et Martine. Il est veuf et vit aujourd’hui à Lyon.

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