Le délicat jeu d’équilibre de la France au Maghreb

Emmanuel Macron est confronté en Afrique du Nord à un dilemme aigu : acquiescer aux revendications de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental sans compromettre son grand dessein de réconciliation avec l’Algérie.

Le Monde   – Analyse. Le chemin de crête est étroit et les faux pas risqués. L’année 2023 s’annonce délicate pour Emmanuel Macron dans ses relations avec l’Afrique du Nord, où il va devoir faire preuve d’un équilibrisme millimétré entre le Maroc et l’Algérie. Comment apaiser l’un sans s’aliéner l’autre ? Le dilemme était moins aigu sous les mandats précédents de François Hollande ou de Nicolas Sarkozy, époque durant laquelle la tension entre les deux frères ennemis du Maghreb n’avait pas atteint ce stade critique – Alger et Rabat ont rompu leurs relations diplomatiques à l’été 2021 – et ne soumettait donc pas Paris à des injonctions à ce point contradictoires.

 

La tradition était que la France était plutôt pro-marocaine, que le lien avec l’Algérie était irrémédiablement tourmenté, bien que préservé, et chacun s’accommodait de cet héritage de l’histoire. Au Quai d’Orsay, un dicton résumait le tropisme de Paris : « Un président français commence par l’Algérie et finit par le Maroc. » L’évolution du contexte stratégique régional tout comme certaines inflexions de la diplomatie française ont toutefois remodelé le paysage. Un nouveau point d’équilibre doit être trouvé. Et l’exercice est périlleux.

La prochaine visite de M. Macron à Rabat, annoncée pour « le premier trimestre » sans plus de précision, donnera une précieuse indication du recalibrage qu’aura décidé l’Elysée. Ce déplacement est d’autant plus attendu qu’il est censé clore une séquence glaciale dans la relation franco-marocaine. Une série de frictions – « crise des visas », Sahara occidental, pari algérien de M. Macron, etc. – avait nourri un épais malaise entre les deux capitales. La ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, a effectué à la mi-décembre 2022 une visite à Rabat qui a permis de réchauffer quelque peu le lien. Elle a annoncé à cette occasion la levée des restrictions sur les visas imposées en septembre 2021, en représailles à la mauvaise volonté des autorités consulaires marocaines dans la réadmission des migrants en situation irrégulière expulsés du territoire français.

 

Reconnaissance de souveraineté

 

Cette « crise des visas » est également close avec l’Algérie et la Tunisie, qui avaient fait l’objet de la même sanction pour les mêmes raisons. Paris a pris la mesure de l’erreur stratégique qui a consisté à pénaliser des élites francophones habituées aux va-et-vient des deux côtés de la Méditerranée. Ces dernières commençaient à se laisser gagner par le ressentiment vis-à-vis de Paris et il était urgent de désamorcer le risque d’un divorce franc et ouvert.

Vu du Maroc, l’apaisement sur le front des visas ne suffira toutefois pas à redonner tout son lustre d’antan à la relation bilatérale. Car la seule cause diplomatique qui intéresse désormais la monarchie chérifienne est le Sahara occidental. L’essentiel de sa politique étrangère vise aujourd’hui à obtenir d’un maximum d’Etats la reconnaissance de sa souveraineté sur cette ancienne colonie espagnole dont l’armée marocaine s’est rendue maîtresse à 80 % en 1976 mais qui est toujours inscrite sur la liste des « territoires non autonomes » des Nations unies ayant vocation à l’autodétermination.

 

Le Maroc souhaite que la France admette formellement la « marocanité » du Sahara occidental, un pas franchi fin 2020 par un Donald Trump en fin de mandat. Ou, à tout le moins, que Paris aille plus loin que la simple promotion du plan marocain d’autonomie qualifié par le Quai d’Orsay, dès sa présentation en 2007 à l’initiative du roi Mohammed VI, de « base de discussion sérieuse et crédible ». Pionnière en son temps, la formule est aujourd’hui considérée à Rabat comme insuffisante, voire dépassée, au regard de la nouvelle position de Washington ou de l’inflexion de celle de Madrid.

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Source : Le Monde

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