Olvid, la messagerie française qui veut concurrencer WhatsApp 

L’application, encore peu connue du grand public, se présente comme la plus sûre du monde. Explications. 

 Vanity Fair – À première vue, difficile de trouver un point commun entre les policiers du Raid et Geoffroy Roux de Bézieux, le dirigeant du Medef. Ils sont tous de grands sportifs ? Ils partagent une certaine inclination pour l’ordre ? Peut-être. Ils ont surtout adopté Olvid. Une drôle de messagerie, injustement méconnue, qui se présente comme la solution la plus sécurisée du marché. Sécurisée ? Déjà parce que les messages sont chiffrés tout comme les métadonnées.

L’application recueille aussi un minimum de données à caractère personnel. Lors de son téléchargement, l’application ne demande pas de renseigner un numéro de téléphone ou une adresse e-mail, ni nom, ni date de naissance. En fait, Olvid ne dispose pas d’annuaire central. « Quand vous téléchargez WhatsApp, vous donnez accès à votre carnet d’adresses, ce qui permet à l’application de détecter les utilisateurs que vous connaissez, nous explique Thomas Baignères, PDG de l’entreprise, depuis ses locaux parisiens. Cet annuaire de deux milliards de personnes représente un énorme risque de sécurité, car il est impossible de protéger une telle infrastructure. »

À la place d’un numéro de téléphone, les utilisateurs d’Olvid doivent s’échanger un QR code puis un code à quatre chiffres pour établir un canal de discussion. Le plus simple étant de scanner ce QR code sur le portable de l’autre, donc de rencontrer physiquement son interlocuteur. Une singulière opération qui ferait presque passer l’usager pour un agent secret. Pourquoi tant de précautions pour échanger des messages banals ? Pourquoi quand on a WhatsApp, et a fortiori rien à se reprocher, télécharger une application ultra-sécurisée ? Pour Thomas Baignères, la réponse est limpide : « Dans la vraie vie, on n’a pas envie qu’on écoute nos conversations. Pourquoi ce serait différent dans le monde numérique ? »

Algorithmes de chiffrement post-quantique

Thomas Baignères a la quarantaine. C’est un Franco-Suisse, né d’un père journaliste culturel au Figaro et d’une mère interprète de conférence au Parlement européen. Lui passe son enfance à déménager aux quatre coins du continent. Prépa scientifique à Paris, avant d’atterrir à l’école Polytechnique de Lausanne. Après des années de dur labeur, un professeur normalien lui fait découvrir le doux monde de la cryptographie. C’est décidé, Thomas Baignères sera chercheur dans ce domaine. « Je travaillais sur la capacité à prouver de manière quantitative l’algorithme de chiffrement à clé secrète », glisse-t-il avec entrain. Nous voilà perdus.

Un jour entre dans son bureau Matthieu Finiasz, un jeune normalien spécialisé dans « les algorithmes de chiffrement post-quantique ». Entente immédiate. « Je lui ai expliqué ce que j’ai fait pendant 3 ans. Il a tout compris en 2 jours. » Ensemble, ils vont écrire de nombreux articles de recherche, avant que Thomas Baignères n’aille faire un crochet par Bruxelles, où il est, pendant plus d’un an, le « Monsieur crypto » de l’État belge. Les deux compères se retrouvent à Paris, dans la même entreprise de conseil en cryptologie. On leur demande une étude sur les messageries grand public. Ils découvrent que les WhatsApp, Signal ou Telegram utilisent tous un annuaire central pour mettre en relation les utilisateurs. Et si eux arrivaient à faire autrement ?

Au départ, ils font ça juste pour s’amuser : « On s’est dit qu’il n’était pas difficile de faire mieux. Bon, il nous a fallu trois ans… » Aux complexités techniques s’ajoute la difficulté de trouver un modèle économique, à mesure que le projet est devenu sérieux. « Tous les business modèles de ces applications reposent sur l’exploitation des données. Donc nous, on allait voir de potentiels investisseurs en expliquant que tout notre système portait justement sur la non exploitation des données… Sachant qu’en plus, il existe déjà 150 messageries… » Ils essuient quelques moqueries et de nombreux refus. « On me disait souvent qu’on arriverait juste à faire un petit moteur de crypto. “Vous revendrez ça 40 000 euros à Thales, vous serez très contents. Et après, vous irez faire un vrai job. »

« Nous sommes les meilleurs »

Quatre ans après son lancement, Olvid a quand même réussi à séduire près de 100 000 utilisateurs réguliers, qui se divisent en deux publics bien distincts. D’un côté, les ayatollahs de la sécurité numérique. S’ils optent pour Olvid, c’est aussi pour une solution française, quand WhatsApp appartient à l’américain Meta et Telegram à deux frères russes, quand bien même opposants à Poutine. De l’autre, des « bons pères de famille », qui utilisent Olvid comme une messagerie familiale, moins virale qu’un WhatsApp et ses dizaines de notifications intempestives. Olvid s’avère aussi un bon outil pour des très jeunes utilisateurs. Leurs parents peuvent s’assurer que leur progéniture ne rentre pas en contact avec le premier inconnu. Et puis les photos ne sont pas compressées. Qui dit mieux ?

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Source : Vanity Fair (Le 28 décembre 2022)

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