Coupe du monde 2022 : à Doha, le monde arabe se range derrière l’équipe du Maroc

La qualification pour les quarts de finale de l’équipe marocaine a été célébrée au Qatar comme une victoire du monde arabe. Une réaction qui révèle l’aspiration à l’unité des peuples de la région, par-delà les divergences affichées par les gouvernements.

 Le Monde  – Doha a soudain pris des airs de grande capitale du football, mardi 6 décembre, autour de 20 h 45, quand Achraf Hakimi a réussi le dernier tir au but de son équipe, synonyme de qualification du Maroc pour les quarts de finale de la Coupe du monde. La victoire (0-0, 3-1 aux tirs au but) était à peine acquise que des cortèges de voitures ont commencé à déferler sur les grandes artères de la ville, tous klaxons hurlants et drapeaux tendus par des passagers radieux.

Les mêmes scènes de liesse se sont répétées dans les fan-zones et dans les rues piétonnes du quartier de Msheireb et du souk Waqif. Des chants, des cris et des youyous. Au-delà du succès marocain, c’est d’une victoire du monde arabe qu’il est question ce soir-là, sous le ciel de Doha enjolivé par une quasi pleine lune.

« Une victoire d’un pays arabe, c’est comme si mon équipe nationale avait gagné », jubile Allan – une déclaration inenvisageable dans les grands continents du foot, Europe et Amérique latine, où les supporteurs se réjouissent plutôt de la défaite d’un pays voisin. Ce quadragénaire jordanien aurait pu suivre le match chez lui, puisque la chaîne BeIN Sports diffuse les matchs en clair au Qatar, et exceptionnellement au Maroc pour ce huitième de finale pas comme les autres, signe de l’importance de l’événement.

Il a préféré s’installer dans un fauteuil du Koora Cafe, un bar à chicha fort peu ventilé du quartier Al-Sadd, aux bâtiments beaucoup moins clinquants que ceux du centre-ville ou des bords de mer. Cohabitent ici, à seulement deux stations de métro du centre, des citizens (des Qataris assez modestes) et des workers, comme sont pudiquement qualifiés les travailleurs immigrés.

Mardi soir, ils étaient une cinquantaine, uniquement des hommes (il n’y a qu’une porte pour les toilettes), à se partager la douzaine d’écrans du Koora Cafe pour encourager leurs favoris du jour. Qataris, Egyptiens, Jordaniens, Irakiens, ils ont tous bondi de leur fauteuil vers 20 h 45. A les entendre, tout le monde arabe a exulté comme eux et fêté l’événement : c’est la première fois qu’une équipe issue de cette partie du monde va participer aux quarts de finale du tournoi planétaire. « Nous sommes tellement fiers d’eux », sourit Allan, manageur dans une entreprise de marketing. Il est loin d’être le seul, à Doha, à exhiber cette fierté arabe.

Des supporteurs de l’équipe du Maroc dans les rues de Doha, après leur victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, le 6 décembre 2022.

Des supporteurs de l’équipe du Maroc dans les rues de Doha, après leur victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, le 6 décembre 2022.

 

La rue, les halls d’hôtel, le souk, les fan-zones, la corniche, les abords de stade et même les banlieues les plus éloignées… la capitale qatarie est un théâtre permanent depuis le début de la Coupe du monde, une grande scène où chacun se promène en affichant la couleur : son costume favori, un maillot de foot, réplique plus ou moins fidèle de celui de son équipe préférée, ou un drapeau national enroulé sur les épaules, façon cape.

« C’est comme si c’était mon pays ! »

Mais il faut se méfier des apparences, les couleurs ne disent pas toute la vérité. Omar, par exemple, un jeune Irakien de Bagdad qui prend le soleil du matin dans la fan-zone désertée de la corniche, a revêtu un tee-shirt du Brésil. Il adore Neymar et consorts, mais son équipe de cœur, c’est aujourd’hui le Maroc. Comme tous les Qataris, les Saoudiens, les Yéménites ou les Palestiniens à qui nous avons posé la question dans les heures qui précédaient le coup d’envoi de Maroc-Espagne.

« On encourage tous le Maroc, assure Omar. Les gouvernements des pays arabes ont des problèmes entre eux, mais nous, en tant que peuples, on ressent tous de la sympathie les uns envers les autres. » La fameuse « rue arabe » existerait donc, au moins le temps d’une Coupe du monde. Maes, une jeune Palestinienne, étudiante en médecine, se promène dans les rues avec le drapeau de son pays sur les épaules. Grand succès. « Tout le monde veut faire des selfies avec moi ! » Avant ce « match historique » contre l’Espagne, c’est la première fois qu’elle ressent « une telle unité du monde arabe », mais elle n’est pas si surprise. « Une équipe arabe qui se qualifie, c’est comme si c’était mon pays. »

Pour Abdullah, un jeune ingénieur saoudien attablé avec trois de ses compatriotes près du souk Waqif : « Le Maroc est un pays africain et nous sommes en Asie, mais nous avons beaucoup en commun, à commencer par la langue et l’islam. Et comme tous les Arabes, les Marocains soutiennent les Palestiniens. » Avec ses amis, des ingénieurs comme lui, il comptait d’ailleurs sur les Lions de l’Atlas pour s’autoriser un geste symbolique en faveur des Palestiniens, comme ils l’avaient fait après leur succès contre le Canada.

Les réseaux sociaux, ajoute un autre jeune Saoudien rencontré dans une rue piétonne, regorgent de messages de sympathie envers le Maroc : « Grâce à Internet, les 450 millions d’habitants des 22 pays arabes ont mieux appris à se connaître », rappelle-t-il. La grande surprise, à ses yeux, c’est de réaliser combien le monde occidental n’a pas pris conscience de cette unité populaire. « Posez-vous la question ! »

Des supporteurs de l’équipe du Maroc dans les rues de Doha, après leur victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, le 6 décembre 2022.

Des supporteurs de l’équipe du Maroc dans les rues de Doha, après leur victoire sur l’Espagne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, le 6 décembre 2022.

Une identité et des valeurs communes

« Un tel niveau d’harmonie, c’est assez rare », tempère Mourad Zeghidi, un journaliste tunisien. « Le fait que la compétition se déroule au Qatar et que tout se passe bien y est pour beaucoup », selon lui. Tout comme les qualités footballistiques de la sélection marocaine. « Il y a deux grandes stars dans cette équipe, Achraf Hakimi et Hakim Ziyech, deux joueurs qui font la fierté de tous les supporteurs arabes. Et les Marocains qui ont fait le déplacement au Qatar donnent une belle image de leur pays. Les fans des deux clubs rivaux de Casablanca, le Wydad et le Raja, ont par exemple surmonté leurs rivalités pour s’installer ensemble dans les tribunes. »

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Source : Le Monde 

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