Jeune Afrique – Mis en ligne le 15 janvier 2022 par le site français d’investigation Mediapart, un article de notre ancien collaborateur Michael Pauron vient clore une sordide affaire de mœurs. Intitulé « Violences sexuelles : l’ex-ambassadeur en Côte d’Ivoire sanctionné », le texte relate la mise à la retraite d’office, le 15 novembre 2021, de l’ambassadeur de France Gilles Huberson, soupçonné de harcèlement et d’agression sexuelle. S’achève ainsi une longue enquête journalistique, qui n’est en réalité qu’une partie d’un travail plus ambitieux sur les errements de la diplomatie française en Afrique, en particulier dans ses anciennes colonies.
Devenu l’un des animateurs du site Afrique XXI, Michael Pauron publie aujourd’hui une somme conséquente rassemblant plusieurs années d’enquête sur un réseau diplomatique qui a du mal à se défaire de son ADN colonial. Les ambassades de la Françafrique – L’héritage colonial de la diplomatie française est publié par les éditions canadiennes Lux, dans la collection Dossiers noirs, dirigée par l’association Survie. C’est un ouvrage dense, informé, qui procède non par grandes révélations, mais par petites touches impressionnistes qui, peu à peu, exhibent les rouages d’une machine pilotée depuis Paris et financée par les impôts de contribuables français ignorant, la plupart du temps, ce qui se décide en leur nom.
Dépenses voluptuaires et manque de transparence
Comme souvent dans les Dossiers noirs de Survie, le dossier « à charge » s’appuie sur une multitude d’exemples qui permettent de se faire une idée générale de la situation. Compilant lectures, enquêtes de terrain, interviews et analyses, Michael Pauron s’est faufilé dans les cuisines et les arrière-cuisines des chancelleries françaises. Relations troubles entre ambassadeurs et pouvoirs en place, délégation et privatisation des services consulaires, abus de pouvoir, comportements et mentalités coloniaux, dépenses voluptuaires, Les ambassades de la Françafrique décortique l’entité « ambassade de France » de la conception architecturale de ses murs aux sociétés de gardiennage locales qui en garantissent, en première ligne et pour peu cher, la sécurité.
Les contribuables français y glaneront quelques chiffres d’autant plus rares qu’en matière de dépenses de fonctionnement, la transparence n’est pas de mise au Quai d’Orsay – alors même que le train de vie des expatriés du corps diplomatique ne prête pas, tant s’en faut, à l’apitoiement. « Si l’on souhaite connaître avec précision les dépenses de fonctionnement des représentations françaises en Afrique, il faut se lever tôt : aucune donnée n’est disponible poste par poste », écrit Michael Pauron.
Avant de poursuivre, quelques lignes plus loin : « Selon le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur l’action extérieure de l’État, cette dernière est aujourd’hui estimée à 4,17 milliards d’euros pour l’ensemble du parc à l’étranger. En 2022, le total des dépenses de fonctionnement et d’investissement atteint 410,3 millions d’euros, soit une hausse de 10,2 millions (+2,6 %) par rapport à 2021 (environ 14 % du budget global du ministère des Affaires étrangères, qui s’élève à 2,9 milliards d’euros). » Des dépenses qui contribuent « à façonner l’image de la France à l’étranger »… Comme dans un autre temps, si l’on ose dire.
Sentiment antifrançais
Cette image que les ambassades françaises façonnent aujourd’hui n’apparaît guère reluisante. À titre d’exemple, Michael Pauron démontre comment le chantier de rénovation de la chancellerie française au Gabon, a surtout profité à des capitaux français maquillés en entreprises locales. L’avantage ? Bénéficier d’une main d’œuvre bon marché tout en gardant le contrôle. « Des ouvriers payés aux conditions contractuelles locales, forcément avantageuses pour les entreprises, assurant des marges confortables et des bénéfices qui seront rapatriés dans les coffres-forts de patrons français. Cocorico », écrit l’auteur.
Source : Jeune Afrique (Le 14 octobre 2022)
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