
France culture – Aboubakar Soumahoro joue collectif depuis près de vingt ans. Aujourd’hui, il en a 42 et vient de siéger pour la première fois ce jeudi dans un parlement dominé par l’alliance des droites. Diplômé d’un master en sociologie, syndicaliste d’abord, défenseurs des « bracciante », ceux qui travaillent avec leurs bras, il a créé plusieurs comités pour ces immigrés exploités dans les champs de tomates et autres légumes en Italie. Lui l’a vécu dans sa chair quand il est arrivé à l’âge de 19 ans.
« On est plongé directement dans les difficultés de la vie, dans l’exploitation, dans les discriminations ; tous genres de difficultés du point de vue du travail. J’étais sans abri, je me suis retrouvé en Italie et j’ai dormi dans les champs, dans la rue. Et en même temps j’ai lutté pour sortir de cette boue de l’exploitation. »

Ce n’était pas vraiment l’Italie qu’il imaginait avant de quitter la Côte d’Ivoire lui le cireur de chaussure plein de rêve.
« Chaque chaussure que je cirais les jours où je n’allais pas à l’école, je voyais dans le reflet de ces chaussures un rêve. Le rêve, c’était de me dire : ‘Voilà, un jour j’aimerais aller dans ce pays, l’Italie’. Pour moi, c’était Alice au pays des merveilles, c’était le rêve. J’avais un amour fou pour l’Italie et les revues de mode. J’avais un album dans lequel j’encadrais des photos de mode italienne, d’habits que j’avais découpés avec des ciseaux dans les magazines. Et en même temps j’avais aussi de l’amour pour la langue de Baudelaire, pour Aimé Césaire, pour Fanon et les damnés de la terre. »
Changer les mentalités pour contrer le racisme en Italie
S’il se dit préoccupé par les possibles retours en arrière du futur gouvernement Meloni sur les droits civiques notamment, Aboubakar Soumahoro veut mener un combat législatif sur ce qu’il connaît par cœur l’exploitation par le travail, la discrimination dans un pays où la différence n’est pas vraiment bien acceptée.
« L’Italie n’est pas un pays raciste mais il y a le phénomène du racisme en Italie. Pourtant, peu importe que l’on soit blanc, noir, rouge, homosexuels, lesbiennes, musulmans, chrétiens, non-croyants, dans un État laïque, il faudrait qu’on ait la pluralité à l’intérieur du débat public, politique et au sein même du Parlement. Mais je me rends qu’en Italie on n’est pas dans la normalité. »
Car il n’y a qu’un député noir au parlement italien. Ce parlement qui surgit juste derrière nous et devant lequel il s’était enchainé il y a quelques mois pour obtenir un rendez-vous avec Mario Draghi et défendre les travailleurs exploités.
« On se retrouve exactement là où je me suis enchaîné la dernière fois devant le parlement. Aujourd’hui, j’entends la police me dire : ‘Son excellence, honorable député’. Ce sont les mêmes policiers qui hier surveillaient nos manifestations. »
Aboubakar Soumahoro n’oubliera personne, dit-il. Ni ces policiers, ni les riches qui ne doivent pas pleurer selon ces mots mais surtout pas les invisibles ceux pour qui et par qui il a été élu. Lui, le migrant, va défendre le droit à migrer, le droit à travailler dans la dignité sans jamais oublier les paroles de sa mère.
Source : France culture
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