La casserole pleurait ! / Par Elbane Hamady

Les fines branches chargées de feuilles vert-oranger du saule pleureur s’agitaient frénétiquement sous les assauts répétés du vent d’ouest. Les perles de pluie mêlées aux embruns glissaient lentement sur le double vitrage de la fenêtre, la houle cognait de plus en plus fort sur les récifs de l’autre côté des remparts.

Face à la mer, Sidi avait rapidement trouvé ses marques dans ce bel appartement meublé de la cité corsaire de Saint-Malo.

Couverts à viande et à poisson, petites et grandes assiettes, une cuisine parfaitement équipée. Couettes, draps, coussins, traversins, dessus de lit, la chambre n’était pas en reste.

Un autre monde pour un jeune garçon de la médina.

Entre les cours théoriques, le sextant, le radar, le barographe et autres instruments de navigation marine, Sidi avait fort à faire. Sans oublier l’essentiel, apprendre à nager dans des eaux souvent déchaînées à tribord comme à bâbord, le programme était conséquent.

Un autre monde pour un jeune prince du désert.

En attendant, sur la plaque de cuisson rouge-braise, la casserole toute neuve brillait de tous ses feux. On l’entendait chanter oignons, tomates, persil, navets, « velkaa»…

Dans cette cuisine au nord du 48ème parallèle, le tajine, mafé et autre tiéboudiène n’étaient que souvenirs, Nouakchott aussi.

Sidi n’avais jamais mis la main à la pâte de toute son adolescence. Il était surtout l’inspecteur des travaux finis, celui qui attendait sur le matelas en mousse enroulé dans son boubou que les effluves d’épices embaumaient la pièce.

Eh ! Oui, il n’était point un faiseur de couscous et autre « maruElham ».

Il était comme la plupart des jeunes de son âge ni invité, ni associé à la subtile alchimie culinaire. Un autre temps pour un jeune citadin.

Alors, alors…Par quel bout commencer !

Dehors le saule pleureur pleurait toujours sous les coups de butoir du vent d’ouest, la casserole et le ventre de Sidi aussi.

 

 

Elbane Hamady

 

 

 

 

 

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