Tout jeune étudiant en France, j’étais plutôt réservé. Cette réserve rimait souvent avec observation, curiosité, ouverture. J’étais loin de la maîtrise des codes de ce nouveau monde.
Je disais bonjour avec un grand sourire à chaque fois que je rencontrais quelqu’un dans les couloirs de ma résidence.
Une fois, deux fois, je voyais bien qu’on me regardait bizarrement.
J’avais vite compris que le bonjour, le bonsoir et les « comment ça va ? », n’étaient pas à réitérer.
Une certaine frustration me gagnait.
Moi, je me voyais demander les nouvelles du grand frère, de la petite sœur, du chameau blanc, de la pluie.
Moi, je me voyais dans cette chambre aux couleurs pastel sur une moquette tapis, une cigarette dans une main, un verre de thé dans l’autre main.
Moi, je me voyais sortir de ma poche de boubou en bazin, ce petit billet « rendez-vous manqué » perdu entre un paquet de malboro, un « meswak* », dix ouguiyas, un coupe-ongles, un chameau et quatre grains de sable.
Un vrai théâtre de poche, ma « lubna*».
Moi, je me voyais !
En attendant, ce jour-là dans le couloir devant la salle de cours, j’avais commis un impair assez sérieux.
C’était à l’intercours, un autre étudiant de mon groupe de travail me demandait : « t’as pas une clope?».
Je lui répondis tranquillement les yeux dans les yeux : « Comment une clope, non, non ».
Je sortis ensuite un paquet de cigarettes de ma poche et en allumais une sous les yeux éberlués de mon collègue. Il n’en revenait pas. Il repartit bredouille comme il était venu.
Quelque temps plus tard, tout était revenu en ordre après quelques explications.
En effet, je n’avais pas ce vocable « clope » qui désigne une cigarette dans le langage familier. Je n’avais pas non plus fait l’effort de le faire reformuler.
La solution de facilité pour moi était le non, source d’incompréhension.
Depuis lors j’ai revisité les différents registres de langage à l’endroit comme à l’envers :
« Et toi, t’as pas une peclo ? »
Elbane Hamady
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