A propos de l’apprentissage des langues…
A la sortie de la classe dans la cour de l’école, Sidi sautillait, bougeait comme s’il était désarticulé.
Il vociférait des chapelets de mots en hassaniya. C’était sa prière des mauvais jours.
Très vite, un cercle d’écoliers se formait autour de lui.
Il était en colère, c’était évident. La petite blague de Samba ne passait pas.
Le petit billet tout chiffonné qui passait de table à table avait provoqué une certaine excitation dans la classe.
Tous les regards étaient pour lui.
Il arrivait à déchiffrer trois mots « Sidi…Aïcha…Samba ». Les autres restaient mystérieux, il n’arrivait pas à comprendre le sens.
La lecture en arabe et en français, c’était du vécu.
Les quelques bribes de phrases glanées en pular dans son voisinage lui permettaient de développer une fragile oralité. Lire et écrire étaient en devenir.
Alors, la petite radio mentale de Sidi s’était mise en marche :
« Sidi ceci, Sidi cela… », des mots pas gentils, méchants, des noms d’oiseaux…
Samba 1m50, 50 kg, du haut de ses 11 ans, était une véritable force de la nature. Parfois un peu espiègle, Il était craint et respecté.
Sidi n’en avait cure. Il fulminait, le contentieux semblait sérieux.
Il était frêle, tout chétif et surtout hargneux. Nous avions l’habitude de ses colères éphémères.
Ce jour-là, personne n’avait rien vu venir, il bondit comme un ressort la tête la première dans le thorax en V de Samba.
Coup de boule ! Il était passé à l’acte.
Et, boom, le mur de muscles face à lui ne bougea pas d’un cil. Il rebondit d’autant en arrière et s’aplatit de tout son long, raide comme un pain de sucre.
Quelques petites claques, un peu d’eau fraîche et Sidi se réveilla en chantant des chapelets de mots …En pular.
« Sidi est amoureux d’Aïcha qui est amoureuse de Samba qui est…» comme noté sur l’objet de sa colère.
C’était cela aussi le goût des autres… Sous le soleil exactement.
Elbane Hamady
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