Clentélex, électron libre du stand-up en Côte d’Ivoire

Humoristes africains (7/7). De son quartier populaire d’Abobo, à Abidjan, jusqu’à la scène du Montreux Comedy Festival, en Suisse, ce grand timide connaît un succès fulgurant.

Le Monde  – « Skurr skurr, Méchant Méchant, la vie d’ma mère ! » Depuis quelques mois, c’est un gimmick qui fait beaucoup rire les Ivoiriens. Tous les matins de 6 heures à 9 heures sur la radio publique Fréquence 2, l’humoriste Clentélex, dans la peau de son personnage prénommé « Méchant Méchant », taquine les auditeurs en leur demandant de lancer ce drôle de petit cri de guerre avant de l’interpeller.

Arrivé en septembre 2021 dans l’émission « Le P’tit Dej », André Wandan Niamké (son vrai nom) a mis deux bons mois à s’adapter au format grand public du programme, lui « l’humoriste cérébral », comme le définit Franck Bleu, le réalisateur. Désormais, « il fait rire les jeunes et les mamans », souligne Teeyah, l’animatrice de la première matinale radio de Côte d’Ivoire. « Il apprend et comprend vite, c’est un peu l’électron libre de cette émission, poursuit-elle. On avait besoin d’un profil comme lui, un jeune branché maîtrisant les codes et le langage de la jeunesse, pour rajeunir l’audience. Aujourd’hui, c’est un succès ! »

 

Car avec Clentélex – anagramme d’« excellent » –, tout va toujours très vite. L’Ivoirien de bientôt 26 ans n’a pas connu la galère de certains humoristes qui peinent à percer. Etudiant le théâtre à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac), il découvre le stand-up en juin 2018 à l’occasion des scènes ouvertes proposées par le BAO Café, un bar d’Abidjan qui a depuis fait faillite. Quelques mois plus tard, il remporte l’Africa Comedy, un concours de jeunes talents du stand-up organisé à Abidjan par le Montreux Comedy Festival.

« C’était au-delà de mes attentes »

Il gagne son ticket pour jouer fin 2019 sur les célèbres planches de la ville suisse aux côtés des stars de l’humour francophone. Entre le concours et Montreux, il travaille les techniques de stand-up avec l’humoriste ivoirien Brice Anoh et le producteur français Adrien Planès. Avec l’objectif de réussir à faire rire un public européen. « J’ai joué dans plusieurs pays francophones. Ce n’est pas simple car l’humour est culturel. Soit je prends des scènes universelles qui parlent à tout le monde, soit je m’adapte aux problématiques des pays en changeant légèrement le texte », développe-t-il.

A Montreux, il réussit la performance de mettre sur la carte son lieu de naissance, Abobo, une commune populaire d’Abidjan connue pour sa pauvreté et ses problèmes de violence. Il joue de la réputation sulfureuse des Abobolais pour faire rire son public : « Chez vous, quand vous allez à la banque, vous dites : “Je vais à la banque et je reviens dans trente minutes.” Chez nous on dit : “Je vais à la banque et je reviens… peut-être !” » Sa prestation de cinq minutes seulement est remarquée par les spectateurs de Montreux. « C’était au-delà de mes attentes », confie-t-il aujourd’hui.

 

En 2020, le Dycoco Comedy Club rachète le BAO Café et ouvre ses portes. Lancé par Grégoire Furrer, fondateur et producteur du Montreux Comedy Festival, le Dycoco forme et paye à l’année une dizaine de jeunes humoristes, dont Clentélex. Ce qui leur permet de gagner leur vie et de jouer régulièrement devant le public ivoirien, lequel se familiarise ainsi avec le monde du stand-up, encore naissant dans le pays. Certes, les spectacles comiques remplissent les salles, mais les humoristes ivoiriens sont davantage « des griots maîtrisant l’art oratoire », explique Clément Michels, directeur artistique du Dycoco.

« Une bombe à retardement »

« A mon avis, Clentélex est aujourd’hui celui qui maîtrise le mieux les techniques du stand-up en Côte d’Ivoire, estime Teeyah. Il a une trame, une écriture recherchée, il est capable d’improviser, de jouer avec le public, de se servir d’un bruit pour en faire une blague sans s’écarter du spectacle. » Cette année, il a fait des passages appréciés lors de Bonjour, événement annuel du mois de janvier très populaire en Côte d’Ivoire, et au festival Lillarious de Lille, dédié aux pépites francophones. Dans les rues d’Abidjan, des policiers l’alpaguent pour le saluer. « On commence à me reconnaître un peu partout à Abidjan », lance-t-il, presque étonné.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde (Le 17 juillet 2022)

 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page