23 morts à Melilla : l’ONU réclame une enquête sur un drame « inacceptable »

Info MigrantsCinq jours après les violences à la frontière qui ont fait au moins 23 morts parmi les migrants, l’ONU a exigé qu’une enquête soit faite pour déterminer les circonstances de ce drame « inacceptable ». Une demande suivie, quelques heures plus tard, par l’Espagne.

Un drame « inacceptable ». C’est en ces termes que le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric a décrit le drame perpétré à Melilla, il y a cinq jours. En conséquence, le haut-fonctionnaire a exigé, lors de son point-presse quotidien mardi 28 juin, qu’une enquête soit ouverte en précisant que le recours excessif à la force a été vu par l’ONU « des deux côtés de la frontière ».

Plus tôt, une porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l’homme, Ravina Shamdasani, avait réclamé à Genève l’ouverture d’une enquête indépendante sur les circonstances du drame.

Des migrants gisant au sol après leur tentative de passage de la frontière. Crédit : capture d'écran d'images amateur à Melilla
Des migrants gisant au sol après leur tentative de passage de la frontière. Crédit : capture d’écran d’images amateur à Melilla

« Je veux dire à quel point nous avons été choqués par les images de la violence vue à la frontière entre le Maroc et l’Espagne en Afrique du Nord ce week-end et qui a entraîné la mort de dizaines d’êtres humains, demandeurs d’asile, migrants », a insisté Stéphane Dujarric. « Les personnes qui migrent ont des droits humains et ceux-ci doivent être respectés et nous les voyons trop souvent bafoués ».

Ce vendredi 24 juin en fin d’après-midi, 23 migrants au moins sont morts sous les coups des policiers marocains et en tombant des grillages qui séparent l’enclave espagnole du royaume. Près de 2 000 exilés au total avaient tenté de passer de l’autre côté.

À la demande du Kenya, le Conseil de sécurité de l’ONU doit justement tenir mercredi 29 juin une réunion à huis clos sur les évènements survenus à Melilla. Elle portera sur « la violence meurtrière à laquelle sont confrontés les migrants africains entrant » dans l’enclave espagnole depuis le territoire marocain, a précisé le diplomate kényan, Martin Kimani. « Les migrants sont des migrants: qu’ils viennent d’Afrique ou d’Europe, ils ne méritent pas d’être ainsi brutalisés ».

« Traitement violent et dégradant de migrants africains »

Une demande formulée également par Madrid. Le 28 juin, le ministère public espagnol a annoncé « l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ce qu’il s’est passé ». Le parquet espagnol a motivé sa décision par « la gravité des faits survenus, qui pourraient affecter les droits humains et les droits fondamentaux des personnes ».

L’Espagne, par la voix de son Premier ministre Pedro Sanchez, avait au préalable salué la « collaboration » de Rabat « dans la défense de [ses] frontières » et accusé les « mafias internationales se livrant au trafic des êtres humains ».

De l’autre côté de la Méditerranée, l’heure est aussi aux questions. Le chef de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a lui aussi réclamé une enquête, tout en dénonçant dans un tweet « le traitement violent et dégradant de migrants africains cherchant à traverser une frontière internationale entre le Maroc et l’Espagne ». « J’appelle à une enquête immédiate sur cette affaire et rappelle à tous les pays leurs obligations, aux termes de la loi internationale, à traiter tous les migrants avec dignité et à faire porter leur priorité sur leur sécurité et leurs droits humains, tout en réfrénant tout usage excessif de la force », a-t-il ajouté.

Sur place, à Rabat, une cinquantaine de migrants ont manifesté mardi devant le bureau du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) à Rabat contre le traitement « inhumain » infligé par les forces de l’ordre marocaines vendredi et pour réclamer le statut de réfugiés, a constaté l’AFP. « Où sont les droits des réfugiés au Maroc ? », pouvait-on lire sur les pancartes des protestataires.

« A Nador, nous avons été battus d’une manière inhumaine », a déclaré à l’AFP Omar, un migrant soudanais qui a fui « la guerre et la prison » dans son pays. « Nous ne nous sentons pas en sécurité ici, nos vies sont en danger », a-t-il ajouté. « Le 24 juin est un jour noir. Il y a eu des bousculades puis les forces de l’ordre ont battu beaucoup de nos frères », a témoigné Ahmed, un Erythréen, dénonçant une « boucherie ». « On veut savoir ce qui s’est passé pour qu’on puisse l’expliquer aux proches des défunts », a-t-il plaidé.

Jugés pour « refus d’obtempérer »

En lieu et place de réponses sur les raisons qui ont conduit à la mort de 23 personnes, le Maroc a préféré mettre les migrants sur le banc des accusés. Le parquet du tribunal de première instance de la ville marocaine de Nador (nord), limitrophe de Melilla, a inculpé 37 migrants pour « entrée illégale sur le sol marocain », « violence contre agents de la force publique », « attroupement armé » et « refus d’obtempérer », a déclaré à l’AFP leur avocat Khalid Ameza. Un second groupe, composé de 28 migrants, sera jugé en outre pour « participation à une bande criminelle en vue d’organiser et de faciliter l’immigration clandestine à l’étranger », a ajouté Me Ameza.

La majorité des migrants qui affluent aujourd’hui au Maroc sont originaires « du Darfour et du Soudan du Sud », a assuré à InfoMigrants Ali Zoubeidi, chercheur spécialiste en migrations. Au Soudan, une récente flambée de violences a fait 50 000 déplacés et des centaines de morts. En un an, au total, près de 500 000 personnes ont été déplacées dans la région du Darfour occidental. « Ces groupes-là ont fui des zones de conflit, ils sont passés par la Libye et cela n’a pas fonctionné pour eux là-bas, continue Ali Zoubeidi. Donc ils sont arrivés au Maroc [via l’Algérie] ».

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Source : Info Migrants

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